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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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question.
    — Pourquoi ?
    — On commencera pas à demander la charité ! J’veux pus jamais t’entendre me
     parler de ça !
    — Mais…
    — C’est de même, c’est toute ! J’m’en vas m’coucher, j’veux partir de bonne
     heure demain.
    Julianna s’affaissa sur le divan, atterrée. François-Xavier s’arrêta avant de
     sortir du salon. Radouci, il se retourna vers sa femme.
    — Pendant que Ti-Georges pis moé, on va être partis, ben si t’es d’accord comme
     de raison, ben Marguerite viendrait s’installer icitte avec toé.
    Julianna releva la tête. Son mari lui fit un petit sourire triste et,
     lentement, se dirigea vers leur chambre, abandonnant Julianna à sa
     déception.

    Marguerite passa l’hiver avec Julianna. Avant de partir aux chantiers, leurs
     maris avaient essayé de penser à tout en fonction de leur absence. Elles avaient
     une provision de bois de chauffage bien cordée et un garde-manger rempli de
     farine, de mélasse et d’autres produits de base. Et Marguerite n’était pas
     arrivée les mains vides ! Elle s’était installée à Roberval en prenant soin
     d’apporter avec elle des pots de confiture, du poulet bouilli, du ragoût de bœuf
     et de la soupe aux légumes qu’elle avait cuisinés à l’automne. Ti-Georges et
     François-Xavier étaient donc partis l’esprit tranquille. Leurs femmes étaient en
     sécurité et si jamais il y avait un problème, elles pouvaient faire appel à
     monsieur Ouellette, le voisin d’en face. De plus, Jean-Marie et Elzéar étaient
     assez grands à huit et six ans pour leur rendre de bons services. Le petit
     Delphis était adorable. Pierre semblait apprécier la compagnie de ses
     cousins.
    Julianna rinça la débarbouillette. C’était le soir et, installée dans la
     cuisine, elle terminait de laver Elzéar tandis que Marguerite berçait Pierre
     tout en lui pressant sur la bouche un linge imbibé de lait bouilli. Marguerite
     croyait dur comme fer que ces compressesrendraient la cicatrice
     buccale de Pierre moins apparente. Julianna en doutait mais faisait semblant de
     voir une amélioration que Marguerite estimait être visible à l’œil nu. Enfin,
     cela ne pouvait faire de mal à son fils… Assis à la table, Jean-Marie, en
     pyjama, les cheveux bien coiffés, regardait avec attention les images d’un livre
     de Julianna. Delphis, assis au pied de la chaise de sa mère, jouait sagement
     avec une pelote de laine.
    En fin de compte, se dit Julianna, elles s’étaient bien débrouillées et ces
     mois de froidure n’avaient pas été aussi pénibles qu’elle ne l’avait craint. Au
     contraire. On pouvait dire que cela avait même été agréable. Marguerite et elle
     s’entendaient à merveille. Une belle complicité les unissait. Cette cohabitation
     provoqua un profond attachement entre elles. Bientôt leurs époux reviendraient.
     Julianna mit la main sur son gros ventre. Enceinte de huit mois et demi, son
     terme approchait. Elle espérait de toutes ses forces que François-Xavier
     revienne à temps pour la naissance. Le mois de mars s’annonçait doux jusqu’ici
     et elle avait espérance que les chantiers libèrent les hommes assez tôt. Elle
     jeta un coup d’œil au ventre de sa belle-sœur. Celui-ci affichait une grossesse
     de sept mois. Georges n’était même pas au courant de ce futur enfant. Elles
     n’avaient découvert l’état de Marguerite que peu de temps après le départ de
     leurs maris.
    — C’est un p’tit pou qui marche, qui marche... chantonnait Julianna en passant
     la débarbouillette le long du visage d’Elzéar.
    Marguerite porta son regard sur Julianna. Assis sur le coin de l’évier, Elzéar
     riait de se faire chatouiller par sa tante. C’était leur rituel du soir. Vers
     six heures, après le repas et la vaisselle, elles faisaient bouillir de l’eau,
     et les enfants passaient à tour de rôle à la débarbouillette. Marguerite admira
     sa belle-sœur qui transformait la toilette quotidienne en un moment plaisant.
     Elle n’en revenait pas encore de voir Elzéar consentir, sans rien dire, à se
     faire frotter derrière les oreilles et dans le cou !
    — Un p’tit pou qui marche, qui marche, qui glisse sur une joue...
    Julianna était vraiment la personne la plus incroyable que
     Marguerite ait connue. Elle avait le don de faire de chaque jour une vraie fête.
     Elle mettait de la magie dans des choses simples. Le déjeuner du matin devenait
    

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