Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
un festin de crêpes aux visages souriants de confiture et la toilette du soir,
     une comptine d’un pou qui se promenait le long des joues, mangeait de l’oseille
     derrière les oreilles, faisait un vœu sur les yeux. Marguerite décréta que le
     traitement avait été assez long et débarqua Pierre de son piédestal. Par
     accident, l’enfant écrasa le bout des doigts de Delphis. Le bébé se mit à
     pleurer, délaissant son jouet. Marguerite consola Delphis.
    — Oh ! y est fatigué, celui-là... Y faut qu’y aille dormir.
    — Bonne idée, dit Julianna. Couche Pierre aussi, tu veux ? J’ai fini de laver
     Elzéar. Je le mets en pyjama pis je te rejoins avec tes deux grands.
    Les deux femmes ne furent pas longues à emmitoufler les quatre enfants dans le
     lit qu’ils partageaient à l’étage. Marguerite, elle, couchait auprès de Julianna
     dans le lit du couple. Les deux amies se préparèrent également pour la nuit.
     Après avoir enfilé leur robe de nuit en chaude flanelle, des bas de laine et un
     châle, elles revinrent à la cuisine.
    Julianna remit de l’eau à bouillir.
    — À soir, je me lave la tête ! décréta-t-elle. J’en peux pus... Je serai pas
     capable de dormir comment j’ai les cheveux sales !
    Julianna laissa à peine tiédir l’eau. Elle retira le chaudron de la cuisinière.
     Marguerite étendit une serviette propre sur la table et y déposa un
     bassin.
    — Penche-toé, lui intima-t-elle.
    Julianna s’exécuta. La tête en bas, retenant son équilibre en s’appuyant sur le
     rebord de la table, elle laissa Marguerite verser sur sa chevelure un peu de
     l’eau tiède.
    — Gardes-en assez pour rincer, dit-elle d’une voix étouffée.
    — Ben oui, la rassura Marguerite.
    — Quand y me reste du savon dans la tête, ça me pique toute la
     semaine !
    — Une vraie mémère... Arrête de chialer ou je t’en mets dans les yeux par
     exprès...
    — Marguerite !
    — Reste penchée !
    En de doux gestes circulaires, Marguerite fit mousser le pain de savon le plus
     possible. Elle se mit à murmurer la comptine. Un p’tit pou qui marche, qui
     marche...
    Elle enroulait les boucles blondes autour de ses doigts et s’amusait à les
     entremêler. Avec douceur, elle massa le cuir chevelu.
    — Qui marche sur une joue, pour donner un bisou...
    Doucement, elle joignit le geste à la parole. Julianna ne s’en offusqua pas.
     Depuis des mois qu’elles vivaient ensemble, la jeune femme s’était habituée aux
     tendres marques d’affection de sa belle-sœur. Elle ne la repoussait pas, elle la
     laissait faire, acceptant une brève caresse sur une épaule ou dans les cheveux.
     La nuit, Marguerite se lovait contre elle et s’endormait, en cuillère, dans son
     dos, lui tenant amoureusement une main, l’autre sur son ventre rebondi. C’était
     presque normal. Elles étaient comme des sœurs après tout, se disait Julianna, et
     il avait fait si froid certains soirs… Elles étaient abandonnées par leurs
     maris... enceintes toutes les deux. Elles étaient comme dans un cocon de doux
     bien-être...
    — Un baiser sur la joue, un baiser dans le cou...
    — Arrête, Marguerite, rince-moé s’il te plaît. Le bébé m’empêche de respirer
     dans cette position...
    Sa belle-sœur vida le reste du chaudron sur la tête blonde en prenant soin de
     ne pas oublier d’endroits savonneux. Elle enleva le surplus d’eau en tordant
     délicatement le bout des mèches. Elle tassa le bassin, prit la serviette et la
     noua autour de la tête de Julianna.
    — Tiens, ma belle... C’est fini.
    — Ouf ! J’en pouvais pus d’avoir la tête en bas.
    Julianna approcha une chaise berçante près du poêle. Elle retira
     la serviette et se mit à éponger doucement ses cheveux. Elle prendrait le temps
     de les faire sécher avant de se coucher. Marguerite s’assit à son tour et
     soupira d’aise. C’était son heure préférée. Les enfants couchés, seule avec
     Julianna à parler de choses et d’autres.
    — Chus bien icitte avec toé... avoua-t-elle en soupirant d’aise. Chez nous,
     chez les parents, j’veux dire, ben... c’est pas le paradis. Si la compagnie, a
     se décide pas à nous donner notre argent...
    — C’est comme pour nous autres... François-Xavier veut rien savoir quand je
     parle de demander à marraine de nous aider... Moé, je veux aller vivre à
     Montréal !
    — Montréal c’est ben loin… se désola

Weitere Kostenlose Bücher