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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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qu’il avait
     découvert n’était pas reluisant. Georges avaitraison sur la
     duplicité de leur premier ministre, Louis-Alexandre Taschereau… Il reporta son
     attention sur le frère de Julianna. Celui-ci, la bouche empâtée, disait à son
     compagnon qu’il avait toujours été certain que cela leur arriverait. Les pensées
     de Henry volèrent de nouveau vers Julianna. Les yeux mi-clos, il laissa son
     fantasme de l’été prendre possession de son esprit. La scène se passait à
     Val-Jalbert. Val-Jalbert... Henry avait été estomaqué de découvrir, niché dans
     une nature pittoresque et d’une beauté à couper le souffle, en contrebas d’une
     chute vertigineuse, un village magnifique aux maisons modernes. Ce n’était pas
     croyable ! Henry avait eu l’impression de débarquer dans un monde sans laideur
     où tout était parfait. Jalbert avait tout prévu pour son village. Un magasin
     général, une caisse populaire, une église, un hôtel, un shérif... L’eau
     courante, les égouts, le téléphone… Et même l’électricité fournie directement
     par la formidable énergie de la chute d’eau que l’on avait transformée en petite
     centrale. Un jour, Henry s’était aventuré dans la forêt suivant un sentier qui
     menait au haut de la chute. La vue y était magnifique. Il s’était aperçu que le
     chemin continuait à grimper encore. Il l’avait emprunté, marchant un long
     moment, et avait eu la surprise de découvrir qu’il menait à une deuxième chute,
     en amont de la première. Henry s’était laissé tomber sur un rocher plat et avait
     passé une bonne heure à se prélasser au soleil, isolé par la végétation et par
     le bruit assourdissant de l’eau enragée de la chute qui le défiait de venir la
     dompter comme sa jumelle du bas. C’était là que son rêve érotique avait pris
     forme pour la première fois.
    Comme par magie, Julianna était apparue, près de lui, sur la roche. Il faisait
     très chaud, elle déboutonnait le haut de son corsage. En riant, elle se
     déshabillait lentement… Complètement nue, elle s’approchait du bord de la chute
     et, avec précaution, prenait appui sur un surplomb. L’eau cascadait dans ses
     cheveux, glissait entre ses seins pointés de plaisir. Elle arquait le dos et
     penchait la tête par en arrière. Elle se retournait et offrait son visage à la
     chute. Les deux mains appuyées sur la paroi rocheuse, elle
     s’accroupissait et ouvrait les jambes, laissant l’eau lui faire l’amour en une
     sauvage caresse… L’eau coulait le long de son dos, entre ses fesses… Elle
     gémissait… il gémissait et… jouissait toujours à ce moment-là.
    Henry rouvrit les yeux d’un coup sec. Avait-il perdu la tête ? Fantasmer ainsi,
     en plein salon, le mari de l’objet de son désir en face de lui ?
    « Seigneur... » se dit Henry. S’il n’était pas prudent, un jour, il se
     trahirait. Inquiet, il regarda à la dérobée le mari de Julianna. Une chance que
     Georges monopolisait toujours l’attention de son rival. Qu’est-ce qui avait mal
     tourné ? Pourquoi l’avait-elle préféré à lui ? Tant de fois il s’était posé la
     question.
    Henry s’attarda à dévisager le jeune homme roux. Il en arriva à la bizarre
     conclusion qu’il aimait bien celui qui lui avait ravi sa fiancée.
     François-Xavier était de ces hommes uniques que l’on rencontre rarement sur son
     chemin. Il se dégageait de lui une volonté puissante dont on sait d’instinct
     qu’il faut la redouter. Il était de ceux qui parlent peu mais qu’on écoute
     toujours.
    — Pis toé, mon Henry, demanda Ti-Georges en le sortant vraiment de sa rêverie
     cette fois, tu penses-tu que les Canadiens français se font manger la laine sur
     le dos par les riches Anglais ?
    Henry prit le temps de s’allumer une cigarette.
    Les gros méchants et les petits gentils, les maîtres et les esclaves, les
     forts, les faibles... Évidemment ce n’était pas aussi simpliste que
     cela...
    — Bateau, Henry, t’as avalé ta langue ?
    — Je te demande pardon. La fatigue... Mais oui, t’as pas tort dans ta façon de
     voir les choses. On dit dans le milieu que la compagnie est en voie de faire
     au-dessus de trois millions de profit cette année.
    — Trois millions de piastres ? répéta Ti-Georges, les yeux grands comme des
     billes.
    — Oui, trois millions, pis ça, c’est trois fois plus que l’année
     dernière.
    — Pis y

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