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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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de sujet.
    — Si Marguerite avait pu voyager, je l’aurais emmenée au frère André. Il
     l’aurait guérie, comme pour Laura.
    L’hiver dernier, la petite dernière de Julianna étant souffrante, Léonie avait
     emmené le bébé à la crypte Saint-Joseph. Le saint homme faisait des miracles.
     Laura était si malade : depuis des jours, lafièvre ne tombait
     pas. Elle refusait de boire et elle ne marchait plus. Les médecins ne pouvaient
     plus rien pour elle. Ils hochaient la tête et repartaient en disant qu’elle ne
     se rendrait pas à son deuxième anniversaire de naissance. Sans plus
     d’hésitation, Léonie avait emmitouflé l’enfant dans de chaudes couvertures et
     avait demandé à monsieur Morin de les emmener au frère André. Le saint portier
     l’avait reçue, sans ostentation. Il s’était contenté de sourire, ses yeux bleu
     gris d’enfant portant en eux une confiance incommensurable. Rien que ce regard
     aurait suffi à guérir le bébé, Léonie en était certaine. Le frère André avait
     déposé une main sur le front brûlant et, avec tendresse, y avait déposé un
     baiser. Le guérisseur était menu et frêle. Pourtant, il s’en dégageait une
     grandeur humaine hors de l’ordinaire. Léonie, exaltée, avait cédé la place à
     deux invalides et à une personne âgée qui s’appuyait avec difficulté sur une
     canne. À la vue de toutes les béquilles accrochées au mur, elle avait retiré une
     bottine du pied de Laura et l’avait suspendue par le lacet. Déjà, elle trouvait
     que Laura semblait moins fiévreuse. Elle était retournée à la maison assurée de
     la guérison complète de la fillette.
    — Oui, chus certaine qu’il aurait fait un miracle pour Marguerite, assura à
     nouveau Léonie. Il aurait fallu qu’il puisse la toucher, mais Ti-Georges dit que
     sa femme supporterait pas le voyage.
    À l’évocation du frère André et de ce qu’il avait fait, Julianna eut le réflexe
     de faire son signe de croix. Elle vivrait toujours dans la peur que Laura ne
     retombe malade.
    — Marraine, je peux pas me faire à l’idée que Marguerite est pour mourir.
     Comment j’vas faire pour pas pleurer quand on va arriver ?
    — Ce soir, on va s’installer à Péribonka. J’ai réservé une chambre dans une
     pension du village pis demain, à la première heure, tu vas la voir.
    — Qu’est-ce que j’vas y dire ?
    — Tu laisseras parler tes larmes, Marguerite va comprendre ce que tu lui
     dis.

    Évidemment, François-Xavier arriva en retard à son rendez-vous.
     Henry l’attendait depuis une bonne demi-heure, assis sur un banc du parc, au
     lieu convenu. Détendu, le visage au soleil, l’avocat regardait en souriant un
     groupe d’enfants se baigner dans le grand bassin du parc. Il ne se formalisait
     pas de cette attente. Au contraire, il savourait ce rare moment de répit. Il vit
     de loin arriver François-Xavier et il s’amusa à regarder avancer à grandes
     enjambées ce rouquin. Son ami détonnait dans la ville. Pas seulement par la
     couleur rare de ses cheveux, mais plutôt par son attitude détachée, comme si
     rien de tout ce qui bougeait autour de lui ne le concernait. Au contraire de la
     plupart des passants qui déambulaient comme des écureuils à petits pas vifs,
     inquiets, surveillant le moindre danger, toujours aux aguets, méfiants. Tandis
     que le mari de Julianna s’approchait, Henry se redressa et malgré lui se raidit
     un peu. Il n’était jamais agréable d’être porteur de mauvaises nouvelles même
     s’il n’en était que l’impuissant messager. Il se leva et accueillit
     François-Xavier d’une chaleureuse poignée de main.
    — On marche un peu ? proposa l’avocat. Il fait si beau.
    François-Xavier accepta et déambula calmement aux côtés de Henry. Celui-ci
     hésita.
    — Comme tu le sais, je t’ai demandé de me rencontrer parce que le comité de
     défense a reçu la réponse de Londres…
    François-Xavier arrêta d’avancer.
    — Rien qu’à te voir la face, la réponse est non.
    — François-Xavier, je suis désolé.
    C’était vraiment un coup dur. La compagnie avait gagné sur toute la ligne.
     Malgré la preuve de sa malhonnêteté dénoncée par les journaux, reconnue par le
     premier ministre du Québec lui-même, justice ne serait pas rendue. Les terres
     avaient été inondées illégalement et l’expropriation fixée à un coût ridicule,
     mais justice ne serait pasrendue. On

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