La chapelle du Diable
s’étendait une dense forêt.
Julianna se rappela un souvenir que sa belle-sœur lui avait confié lors de leur
hiver passé ensemble. Elle pourrait réaliser le souhait de Marguerite. Ce ne
serait pas évident. Avec de l’aide, elle y arriverait. C’était fou, complètement
hors de l’ordinaire, mais oui, pourquoi pas ? Il lui manquait certaines choses,
elle devrait se les procurer. Elle mettrait à contribution Ti-Georges et ses
deux grands neveux.
Le plus difficile serait de supporter la vue du père de Marguerite.Cet homme méritait la prison et la peine de mort. Si
François-Xavier avait pu être avec elle ! À moins de retourner auprès de
Marguerite et lui avouer l’incapacité d’accéder à ses vœux… Non, il fallait
trouver le courage d’affronter qui et quoi que ce soit. Son amie allait revoir
le soleil, les fleurs et les étoiles. Marguerite allait goûter à un peu de joie.
Et c’est à elle que revenait la tâche de faire fonctionner sa baguette magique.
Elle releva le menton et son fameux petit nez en l’air. Déterminée, elle revint
à l’intérieur et demanda à parler en privé à son frère et leur tante. À
demi-mots, elle se contenta d’expliquer à Ti-Georges que sa femme avait comme
dernière volonté de mourir ailleurs que sur la ferme paternelle et qu’elle
méritait quelques instants de bonheur. Elle leur expliqua son projet. Au début,
Ti-Georges fut sceptique. Mais Julianna eut tôt fait de le convaincre et, à la
fin, il accepta de s’atteler sans tarder à la tâche. Il voyait bien que sa femme
était malheureuse. Il se sentait si impuissant face à la détresse de Marguerite
que de pouvoir enfin faire quelque chose de concret ne pouvait qu’être
salutaire, aussi folle que soit l’idée de sa sœur ! Léonie devint pensive et se
promit d’avoir une sérieuse conversation avec Julianna. Elle connaissait assez
sa fille adoptive pour se rendre compte qu’elle lui cachait quelque chose de
grave.
Cela prit moins de temps que Julianna n’avait cru et trois jours seulement
après avoir mis en branle l’exécution de son plan, tout était prêt. Il ne
restait qu’à déménager Marguerite et les enfants.
Le matin, Julianna et Léonie quittèrent la pension du village avec tous leurs
bagages et se rendirent à la ferme des Belley. Dans la cuisine, elles trouvèrent
Ti-Georges ainsi que ses beaux-parents dans une discussion animée. Elzéar et
Jean-Marie se tenaient, silencieux, en haut de l’escalier menant à l’étage. Le
plus vieux fit un signe de connivence à sa tante. Julianna en déduit que les
autres enfants devaient tous être prêts, comme convenu, en haut
dans les chambres à attendre qu’on leur demande de descendre.
— On part à matin un point c’est toute, affirmait Ti-Georges. Vous pouvez pas
nous en empêcher.
Léonie s’éclipsa auprès de Marguerite. Elle avertit discrètement
Julianna.
— Je m’en vas la préparer.
Madame Belley pleurait dans un coin tandis que son mari affrontait Ti-Georges.
L’homme s’adressa à Julianna.
— Que c’est que vous faites ? lui demanda-t-il d’un ton peu avenant.
Julianna ne prit même pas la peine de lui répondre. Elle s’adressa à son frère
et donna ses directives.
— Ti-Georges, on va prendre cette chaise-là, non attends, j’ai une autre idée.
Y doit ben avoir une brouette sur la ferme ? Jean-Marie, tu vas la chercher pis
tu me la laves ben comme y faut ! Frotte fort, je veux qu’a brille comme un sou
neuf !
Son neveu dévala les marches aussi vite que sa claudication le lui permettait
et se rua en direction du hangar. Monsieur Belley revint à la charge.
— Une brouette ! Là, ça va faire. Ça fait des jours qu’il se passe des messes
basses icitte dedans pis que le diable est aux vaches ! Vos niaiseries, c’est
assez.
Julianna le regarda avec mépris. Froidement, elle lui rétorqua :
— Je vous le répète, monsieur Belley. Ce sont les dernières volontés de votre
fille. Vous pouvez pas y refuser cela. C’est sacré.
Le père de Marguerite était rouge de colère. Il haussa le ton. Menaçant, il
réduit l’espace entre lui et l’amie de sa fille.
— Chus chez nous icitte, pis c’est pas une petite jouvencelle comme toé qui va
mener ma maison !
Julianna ne baissa pas les yeux.
— Je mène rien pantoute, je fais ce que votre fille m’a demandé.
— Des
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