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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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petite voix, en bégayant, elle répondit :
    — Mon... mon mari.
    Paul-Émile se mit à rire. Des miettes de pain s’échappèrent de sa bouche
     entrouverte. Il se trouvait bien drôle.
    — Bon ben, m’man pis p’pa, j’vous présente ma femme !
    Il se leva, s’approcha de Rolande et la colla contre lui d’un air
     possessif.
    — A l’air de rien de même, a voulait absolument mettre tout le linge qu’a
     l’avait sur son dos, mais j’vous passe un papier qu’en dessous de tout ça, c’est
     une moyenne belle petite chose...
    Puis, avec brusquerie il la repoussa. Il alla aux côtés de son père et d’un ton
     complice dit :
    — On a passé notre nuit de noces à Québec... Pis j’me sus pas ennuyé
     pantoute...
    De nouveau il se mit à rire et se rassit à la table. Cette fois, un bol de
     gruau tiède l’y attendait.
    Julianna était complètement ahurie. Quoi, cette adolescente était mariée à ce
     Paul-Émile ! Mais ce n’était encore qu’une enfant !Julianna
     essaya de rencontrer le regard de la nouvelle mariée afin de lui offrir un
     sourire de compassion. Peine perdue, Rolande gardait obstinément les yeux
     baissés. Enfin, cela ne la regardait pas. Sa tâche était d’accomplir ce que
     Marguerite désirait et rien d’autre.
    — Bon nous autres, on est parés, décréta-t-elle. Elzéar, descends avec tes
     frères pis ta sœur, ajouta-t-elle à l’adresse de son neveu qui avait suivi toute
     la scène du haut des marches.
    Paul-Émile trempa un quignon de pain dans son bol et demanda :
    — Vous r’partez pour Montréal ?
    — Non, répondit Julianna.
    — Vous allez où d’abord ?
    Ce fut madame Belley qui répondit, les larmes aux yeux.
    — Y emmènent Marguerite mourir ailleurs.
    — Ben, bon débarras. Depuis des semaines que la sœur joue aux princesses dans
     son lit pis qu’a fait pus rien…
    — Est malade ! se récria Julianna.
    — Malade mon œil, fit Paul-Émile d’un ton sarcastique. Elle a toujours eu le
     don de se faire remarquer.
    — Paul-Émile, tais-toé ! lui ordonna monsieur Belley.
    Tout en dévorant son gruau, Paul-Émile en rajouta :
    — On sait ben, la chouchou à son père…
    — Paul-Émile… l’avertit celui-ci.
    — J’te dis que ta femme, mon Georges, y fallait pas que j’y touche… C’était le
     trésor de la famille. J’sais ben pas comment ça s’fait que le père t’a laissé la
     marier.
    Monsieur Belley s’approcha de la table sur laquelle il asséna un coup de
     poing.
    — J’t’ai dit de te taire !
    Paul-Émile eut un drôle de petit rire.
    — Allons, son père, j’parlais pour parler… J’viens de m’marier, y faut ben être
     heureux un peu. J’sais ben que ma Rolande a vous plaît peut-être pas autant que
     la Marguerite, mais a va contenter sonhomme comme jamais ma
     sœur a dû être capable de le faire !
    Ne faisant ni une ni deux, Ti-Georges attrapa son beau-frère par le collet et
     le força à se lever de sa chaise.
    — Lâche-moé tout de suite, toé ! se défendit Paul-Émile.
    — Ça fait assez longtemps que je m’retiens... Envoye dehors, on va s’parler
     dans le blanc des yeux.
    Ti-Georges était beaucoup plus petit que son beau-frère, cependant la colère
     décuplait ses forces. Avec rage, il poussa Paul-Émile dehors. Celui-ci
     rouspétait en implorant du regard son père de faire quelque chose. Monsieur
     Belley garda un étrange silence et se contenta de les suivre. Julianna fit de
     même. Léonie, alertée par les bruits de voix, essaya d’empêcher les enfants de
     descendre voir ce qui se passait. Elle ne put retenir que les jumeaux qui, âgés
     de deux ans, ne comprenaient rien à cette agitation. Toutefois Elzéar, Delphis,
     Sophie et Samuel se ruèrent à l’extérieur presque cachés derrière la jupe de
     Julianna qui priait pour que son frère ne soit pas blessé. Madame Belley et sa
     nouvelle bru étaient également sorties et se demandaient bien comment tout cela
     allait tourner. Personne n’intervint. Jean-Marie laissa la brouette toute propre
     avec laquelle il s’en revenait et, inquiet, alla retrouver sa tante. Elle prit
     le bras de ce grand adolescent et le pressa en signe d’avertissement de ne pas
     se mêler de cette chicane. Agglutiné sur la galerie, le petit groupe assistait à
     la bataille qui se préparait. Ti-Georges avait repoussé Paul-Émile au loin et
     tous les deux s’affrontaient maintenant du regard comme

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