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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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passèrent sur le visage de Julianna,
     surtout de l’étonnement mais aussi de la colère.
    — Je peux pas le croire Marguerite… C’est épouvantable ! C’est impossible !
     fit-elle, choquée, quand son amie se fut tue. Pis Georges le sait pas ?
     reprit-elle.
    — Y tuerait mon père de ses propres mains. Ton frère est pas un homme qui
     accepterait qu’on ait touché à sa femme. Pis c’est déjà assez difficile de même,
     j’pourrais pus le regarder dans les yeux. J’ai tellement honte, Julianna…
    — Comment t’as fait, Marguerite, pendant toutes ces années, comment t’as fait ?
     Pis ton p’tit bébé… enterré…
    Julianna se retint à deux mains pour ne pas sortir de la pièce, prendre une
     arme, n’importe laquelle, et aller frapper cet homme, ce père indigne, ce
     porc…
    — Tu peux pas savoir comment ça me fait du bien de te l’avoir dit, dit
     Marguerite, soulagée.
    Elle se sentait légère, délivrée d’un poids terrible.
    Julianna se leva et alla se planter devant la fenêtre. Elle passa ses mains
     dans son visage et se frotta les tempes, essayant de chasser les images
     d’inceste et d’infanticide.
    — Marguerite, souffla-t-elle, bouleversée. Je crois que je pourrais moi-même le
     tuer pour ce qu’il t’a fait…
    — Reviens près de moé, Julianna.
    Elle obéit mais délaissa la chaise pour le rebord du lit. Elle prit la main de
     Marguerite dans la sienne.
    — Je pensais même pas qu’un père pouvait poser de tels gestes, avoua
     Julianna.
    — J’ai pas une très belle famille…
    Longuement Marguerite s’épancha, racontant son enfance, l’animosité de son
     frère envers elle. Plus elle y pensait, plus elle était convaincue que si son
     grand frère Paul-Émile la détestait tant, c’était par jalousie. Il se faisait
     maltraiter par son père, pas une journée ne se passait sans qu’il reçoive des
     coups, tandis qu’elle, il ne la touchait pas. Enfin, c’était ce que Paul-Émile
     avait dû croire. S’il avait su quelles blessures intimes leur père lui faisait
     subir à elle… Mais cette maltraitance ne laissait pas de bleus. Marguerite
     raconta tout cela à Julianna et plus. Pendant de longues minutes, elle confia
     ses rêves de fillette, ses agressions d’adolescente, ses déceptions de femme…
     Elle lui avoua les sentiments profonds qu’elle avait pour Julianna et elle
     termina en l’implorant.
    — Y faut que tu m’aides…
    — À quoi ? Qu’est-ce que tu veux que je fasse, Marguerite ?
    La femme émaciée se redressa et retrouva un peu de force tandis qu’elle
     suppliait Julianna d’accéder à sa demande.
    — J’veux pas mourir icitte ! J’veux pus le voir… J’veux pas qu’y touche à
     Sophie ! Je l’sais pas comment, Julianna, mais j’veux que tu nous emmènes avec
     toé, à Montréal, n’importe où, mais prends-moé avec toé, Julianna, me laisse pas
     icitte, je t’en supplie ! J’veux revoirle soleil, sentir les
     fleurs, j’veux que les étoiles brillent à nouveau pour moé. Icitte c’est la
     grande noirceur. Chus déjà morte… Donne-moé quelques jours de bonheur. Sors moé
     de cette chambre !
    Sa belle-sœur s’agrippait à elle, telle une enfant paniquée. Julianna entoura
     Marguerite de ses bras et la berça avec tendresse. En pleurant, elle lui promit
     de l’aider.
    — J’vas trouver une idée, je le sais pas quoi, mais j’vas trouver quelque
     chose, pis tout va s’arranger Marguerite, je te le jure…

    Plus tard, le visage fermé et sévère, elle sortit de la chambre en refermant
     doucement la porte derrière elle. Marguerite s’était endormie, rassurée par la
     promesse de Julianna. Sans dire un mot aux occupants de la maison qui la
     regardaient, intrigués, elle sortit sur la galerie prendre une grande goulée
     d’air. Les mains agrippées à la balustrade, elle essaya de reprendre contenance.
     Elle devait trouver une solution… Comment faire pour emmener Marguerite et ses
     enfants hors d’ici ? Elle parlerait à sa marraine et lui demanderait de l’aide.
     Sans tout lui dévoiler, elle pourrait lui faire comprendre l’importance et la
     difficulté de la situation. Elle devait penser à une idée. Il était hors de
     question de les emmener à Montréal. Tout en regardant l’horizon, elle pria.
     Soudain, son visage s’éclaira. La ferme des parents de Marguerite était isolée,
     au bout d’un rang, dans un cul-de-sac. Tout autour

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