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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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qui répondit, les dents serrées :
    — On vend tout.
    L’encanteur sortit un mouchoir de sa poche et entreprit de s’éponger le front.
     Il demanda un verre d’eau. Léonie s’empressa d’aller lui en chercher un. La
     gorge toujours aussi sèche même après avoir calé son verre, l’homme reprit son
     travail. Trois autres vaches, le taureau, deux chevaux, quelques poules, cinq
     cochons et toujours le même manège. Un silence, une seule offre à peine un peu
     plus élevée que le prix de départ et cet étrange calme pendant tout le
     processus. Tout le troupeau se vendit ainsi pour vingt dollars. Le meneur de
     l’encan roulait des yeux d’incompréhension tandis qu’on sentait la rage gagner
     l’homme de la compagnie. Sur un signe de tête affirmatif de celui-ci,
     l’encanteur procéda ensuite à la mise en vente de la ferme. Il annonça le lot
     comprenant le roulement, les outils, la maison, les meubles, tout. S’il n’y
     avait pas d’acquéreur pour l’ensemble, il procéderait au morcellement. Il
     énuméra la longue liste dece que la ferme comprenait. Puis il
     releva la tête et, avec résignation, d’une toute petite voix presque suppliante,
     il annonça le prix de départ.
    — Huit mille piastres.
    Rien ne bougea. Un autre long silence. L’homme répéta l’offre.
    — Huit milles piastres. Personne ne suit ?
    Henry leva la main.
    — J’offre huit mille piastres... et une !
    Cette fois, un murmure parcourut la petite foule.
    L’homme de la compagnie s’objecta :
    — C’est ridicule !
    Henry se tourna vers l’homme.
    — Si vous avez une meilleure offre que la mienne, libre à vous de la
     faire !
    Le représentant de la compagnie rougit de colère. Le message était clair. S’il
     misait, personne ne relèverait son offre. Il n’allait toujours bien pas acheter
     la ferme de ce Gagné !
    Ti-Georges regarda François-Xavier, cherchant une explication à ce qui se
     passait. Henry achetait sa ferme ? Son ami resta de marbre et entreprit
     d’allumer sa pipe. Ti-Georges se tourna alors vers sa tante Léonie. Celle-ci fit
     mine de rattacher une de ses bottines. Mais qu’est-ce que tout cela voulait
     dire ?
    Perdant contenance, l’encanteur bafouilla.
    — Euh… Pouvez-vous répéter votre offre monsieur ?
    — Avec plaisir, répondit Henry. J’ai dit huit milles piastres... et une ! Pas
     un sou de plus, pas un sou de moins, affirma Henry.
    — Bon, euh... qui dit mieux ? murmura presque l’encanteur, lui qui
     s’enorgueillissait de sa voix forte.
    Presque paniqué, il débita sa litanie.
    — Huit mille piastres... et une, une fois. Huit milles piastres… et une, deux
     fois. Huit mille piastres... et une, trois fois ! Adjugée au monsieur-là avec
     une cravate et un chapeau melon.
    L’encan était terminé. Cependant personne ne fit mine de
     quitter les lieux. Fendant la petite foule, Henry s’avança alors vers Ti-Georges
     et lui dit :
    — J’ai bien l’impression que je viens de m’acheter une ferme. Comme vous le
     savez, j’ai beaucoup de travail qui m’attend à Montréal. Cela me prendrait
     quelqu’un de fiable pour s’en occuper à ma place. Ça vous tenterait pas,
     monsieur Gagné ? Bon, c’est réglé.
    Cérémonieusement, avec un demi-sourire, l’avocat serra la main d’un Ti-Georges
     complètement hébété.
    Qu’est-ce qui s’était passé ? Il ne comprenait rien à rien !
    Tout le groupe resta encore un moment immobile puis ce fut le premier acheteur
     qui alla au-devant de Ti-Georges et lui déclara :
    — Vous savez, moé, j’ai pus grand place dans mon étable. Vous seriez-tu assez
     gentil pour me garder ma vache un p’tit bout de temps ?
    Puis le deuxième.
    — Moé, j’vas venir la chercher peut-être demain ou un autre demain. Vous
     pourriez-tu me la garder c’te vache-là itou ? J’vous serais ben redevant,
     monsieur Gagné.
    Et chaque acquéreur vint ainsi à tour de rôle demander à Ti-Georges de bien
     vouloir prendre soin de leur poule, cochon ou cheval. Bientôt tous les papiers
     furent remplis, et l’encanteur repartit non sans être allé lui aussi au
     préalable serrer la main, chaleureusement, à Ti-Georges.
    — Jamais de toute ma vie, j’ai vu une histoire pareille ! On peut dire ce qu’on
     voudra, y a encore du monde qui ont le cœur à bonne place.

    Marie-Ange sourit de satisfaction à la vue de la maison qui sentait bon le
     propre. Les planchers

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