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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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préférait se
     mettre à l’abri.
    Resté seul, le couple se fit face. Julianna avait perdu tout air suppliant et
     semblait maintenant être autant en colère que l’homme.
    — Belles manières devant le monde, siffla-t-elle.
    — Ah ben, tu t’es pas vue, toé ? Tu sais même pu tenir ta place.
    — François-Xavier, tu exagères !
    — C’est toé qui vas trop loin ! Une mère, ça reste avec ses enfants.
    — Parlons-en des enfants, t’es jamais là ! T’as pas dit un mot de gentil à
     Mathieu !
    — Y a assez de toé pour lui enfler la tête !
    — Y a un don ! Y va aller loin dans vie, lui !
    — Ah bon, pis que c’est que tu veux dire par là...
    — ...
    — Parle, ciboire !
    — Recommence pas à sacrer comme un gars de chantier.
    — C’est vrai que je parle jamais assez bien pour madame. Avec madame, il
     faudrait dire des « moi » comme monsieur Morin !
    — Y a pas de mal à bien parler comme du monde. C’est pas parce qu’on est né
     pour un petit pain qu’on doit le rester !
    — T’es en train de dire que chus pas grand-chose, Julianna... c’est ça ? dit
     François-Xavier les dents serrées.
    Cette dispute était ridicule et ne menait à rien. Julianna sentit qu’elle avait
     dépassé les limites. Sa colère tomba un peu. Elle perdait le contrôle de la
     situation. D’habitude, elle réussissait à avoir les arguments qui lui donnaient
     le dernier mot et qui faisaient en sorte que François-Xavier perde la partie.
     Cette fois, c’était différent. Elle avait un handicap à cause de la façon non
     préméditée dont cela avait commencé.
    Il y eut un lourd silence que brisa François-Xavier d’une voix sourde.
    — C’est-tu d’être avec Henry qui te rendrait heureuse,
     Julianna ? dit-il, terriblement en colère, en s’avançant, menaçant.
    Julianna cherchait désespérément une façon de reprendre l’avantage de cette
     querelle.
    — Parce que t’as juste à rester avec ton Henry si c’est ça. Tu seras presque
     mariée avec…
    Julianna était sidérée. Elle faisait un cauchemar ou quoi ? Son mari lui
     parlait de… de… séparation ? Non, il voulait la quitter ? Non ! C’était affreux,
     épouvantable, c’était péché ! Les larmes aux yeux, Julianna recula un peu en
     hochant la tête de gauche à droite, elle perdait vraiment pied, elle allait
     s’évanouir ou… ou mourir là, comme ça… Il la jetait dans les bras de
     Henry !
    François-Xavier était maintenant à six pouces d’elle. Il ne criait pas. Elle
     aurait préféré qu’il hurle, mais il hachait menu ses mots comme il hachait son
     cœur. Il reprit :
    — Parce que pour moÉ, dit-il en appuyant sur la dernière voyelle, c’est fini,
     Julianna.
    — François-Xavier, dis pas ça… Ç’a pas de bon sens ! C’est terrible ce que tu
     dis… supplia la jeune femme.
    — Tu penses-tu que je me sus jamais rendu compte de ce qui se passait entre toé
     pis Henry ?
    — Y a... y a rien entre Henry pis moé.
    — Attention, Julianna, tu retrouves ton vieux parler !
    Elle se rebiffa un peu.
    — Moé ou moi, que c’est que ça peut ben faire ? François-Xavier, je le sais pas
     pourquoi t’es fâché de même, si c’est juste à cause du poste de professeur, je
     voulais t’en parler… pis j’ai déjà dit non, mentit-elle.
    — Chus un gars bonasse, Julianna, mais astheure ça va faire. Écoute-moé ben,
     vivre icitte, j’haïs ça, pis j’vas partir coloniser une terre... Avec mes
     enfants, déclara-t-il en tournant le dos à sa femme.
    Calmement, il alla ramasser les dernières pièces du jeu d’échecs. Ilprit un cavalier et d’un geste brusque s’en servit pour faire
     tomber la reine.
    — Quoi ? s’exclama Julianna.
    — Si tu veux me suivre... dit-il en se retournant à nouveau vers elle mais
     cette fois avec un air détaché et glacial.
    Il haussa les épaules et termina sa phrase.
    — … c’est à toé de voir.

    Après avoir souhaité un rapide bonsoir à Albert et Henry, Léonie s’était
     empressée de revenir vers le salon afin de fermer les doubles portes. Un couple
     pouvait se disputer mais à l’abri des oreilles indiscrètes. Après avoir fait
     glisser lentement les cloisons, elle n’avait pu se retenir de s’adosser au
     chambranle et de suivre l’altercation verbale. Quand François-Xavier parla
     d’Henry, elle eut un hoquet d’horreur et se signa plusieurs fois. Elle se mit
    

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