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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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vendraient ou loueraient une
     maison, chus certaine… En tout cas, demain, j’vas entrer en contact avec
     monsieur Dallaire pis toute devrait être réglé rapidement. Si Dieu le veut, ça
     devrait fonctionner.
    Elle reprit son souffle et s’arrêta de marcher.
    — Ben… si ça fait ton affaire comme de raison, François-Xavier. C’est toé qui
     mènes. Y me semble que ça aurait ben du bon sens. Tu serais voisin de Ti-Georges
     en plus. Pis tu pourrais économiser ton salaire pis te repartir une fromagerie…
     Y va avoir ben de l’ouvrage qui va t’attendre mais vaillant comme t’es, chus pas
     inquiète.
    Au début, François-Xavier avait écouté Léonie exposer son plan sans grandes
     attentes. Maintenant, il la regarda comme si… peut-être… oui, il pouvait y
     croire… Ses paroles avaient dépassé sa pensée. Oui, il voulait quitter Montréal
     mais jamais sans Julianna. Il l’aimait… Ces derniers temps, il avait beau
     regarder autour de lui à la recherche d’une solution, il ne voyait jamais rien.
     À Montréal, il se sentait pris au piège. Il ne pouvait s’embarquer sur un navire
     et tout laisser derrière lui. Malgré la tentation, il n’était pas comme cela. Il
     ne pouvait pas vraiment non plus songer à devenir colon et emmener ses enfants.
     Il savait très bien que cela aurait été dément. Et il ne voulait plus de
     l’argent de Léonie pour résoudre ses problèmes. Il y avait peut-être une porte
     de sortie en fin de compte.
    — Ça va marcher, François-Xavier, j’en suis certaine, réaffirma Léonie en se
     rendant compte que l’homme changeait d’attitude. Toé, ta femme pis tes enfants
     allez être bien là-bas.
    Elle se tourna vers Julianna.
    Celle-ci venait d’éclater en sanglots.

    Tout se déroula très vite. Monsieur Dallaire accepta sans hésiter. Il se
     faisait vieux et il avait vraiment besoin de quelqu’un. Ils pouvaient prendre
     possession de l’ancienne maison de son fils. Il avertit cependant que celle-ci
     ne comportait presque pas de meubles. Léonie remit une petite somme d’argent à
     François-Xavier.
    — Pour t’aider à vous installer. J’ai le droit de gâter mes petits-enfants, lui dit-elle sans lui laisser le choix
     d’accepter.
    Sans plus tarder, on mit en branle le déménagement. Léonie était un peu triste
     du départ de sa Julianna, mais il était plus que temps que sa fille prenne son
     mariage en main. L’éloigner de Montréal, de Henry et de ses tentations
     d’émancipation ne pouvait être que bénéfique. De plus, Marie-Ange avait pris la
     décision de suivre la petite famille. Celle-ci s’était bien trop attachée aux
     enfants de sa jeune sœur pour les laisser partir sans elle. Ayant fait don de
     ses économies pour la ferme de son frère, elle n’avait plus les moyens de
     voyager comme elle l’avait rêvé. Monsieur Morin, lui, jubilait et il ne put
     réussir à cacher sa joie d’avoir Léonie à lui tout seul. Ce fut à peine s’il eut
     la politesse de faire remarquer qu’il perdait un bon employé en la personne de
     François-Xavier.
    Pierre était très excité à l’idée de déménager à Saint-Framboise comme disait
     Laura en déformant le nom de son futur village. Il voulait tout savoir sur ses
     cousins Gagné et sur cet oncle, son parrain. Il n’en avait aucun souvenir, mais
     il avait tant de fois entendu prononcer son nom. Quant à Mathieu, il n’eut
     qu’une inquiétude : allait-on apporter le piano ? François-Xavier répondit que
     l’instrument n’était pas à eux et qu’un jour, il en achèterait un nouveau. Sa
     mère était soudainement sortie un peu de son mutisme pour répliquer : « Ben oui,
     quand les poules vont avoir des dents ». Mathieu n’avait pas compris. Yvette,
     elle, fronçait les sourcils et suivait comme son ombre sa tante Marie-Ange. Ce
     grand dérangement la troublait et l’attitude déprimée de sa mère, qui n’était
     plus que l’ombre d’elle-même depuis l’annonce du grand départ, n’arrangeait
     rien.
    C’est vrai que Julianna ne parvenait pas à se ressaisir. Toute sa vie, elle
     s’était sentie en sécurité. Gâtée, elle avait mené le monde par le bout du nez
     et s’était ri des petites embûches qu’elle avait traversées. Sa marraine était
     toujours là à réaliser ses désirs, à pourvoir à ses fantaisies. Et son mari…
     Elle croyait qu’elle aurait pu lui dire ou faire n’importe quoi, que rien
    

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