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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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un compagnon,
     avait-elle le droit de le refuser ? Mais quelque chose en elle n’arrivait pas à
     concevoir une vie intime avec Albert.
    Exubérante, Julianna se comportait comme la vedette de la soirée. Les
     applaudissements et les louanges l’avaient enivrée, encore plus que les verres
     de champagne. Elle se sentait belle et au-dessus de tout. Elle étudia son époux.
     Il ne lui avait fait aucun compliment, ni sur sa beauté ni sur son talent. Les
     yeux d’Henry avaient brillé en se posant sur son décolleté qu’elle avait voulu à
     la limite de ce qui était permis. Henry avait baisé sa main et l’avait
     félicitée… Henry avait dansé avec elle et lui avait donné l’impression d’être la
     chose la plus précieuse au monde, un bijou rare, une déesse, la sensation d’être
     la seule femme du bal. La tête lui tournait un peu, l’alcool lui donnait un
     sentiment étrange. Les sons étaient différents, elle entendait très fort sa voix
     à elle, les autres étant en sourdine. Son champ de vision s’était rétréci. Elle
     se mit à fredonner, puis se dirigea vers le gramophone. Elle fouilla dans la
     pile de disques, hésita puis porta son choix sur le 78 tours de Joseph Beaulieu.
     Elle déclencha le mécanisme et revint au milieu du salon. Le son déchirant des
     violons résonna.
    Marie-Ange maugréa.
    — Ah non, pas le beugleux de Beaulieu ! C’est pénible pis là c’est vrai, j’vas
     m’endormir…
    — Oh ! Marie-Ange, c’est une si belle chanson d’amour, rétorqua Julianna.
     Écoute… « Mignonne, laisse-moi t’aimer. Voici mon cœur, mon cœur qui
     chante… »
    Mêlant sa voix à celle du baryton, Julianna se mit à danser surplace, toute seule, au milieu du salon. Henry l’admirait du coin de l’œil tout
     en écoutant François-Xavier qui lui parlait maintenant de la future saison de
     hockey. Sans s’excuser, Julianna interrompit leur conversation et interpella son
     mari.
    — François-Xavier, viens danser... minauda-t-elle.
    — Julianna, laisse-moé tranquille. J’danse pas, tu l’sais.
    — Oui, je le sais, fit-elle avec un air boudeur.
    Elle se tourna alors vers Henry et se pencha sur lui d’une manière
     suggestive.
    — Pis toi Henry, tu diras pas non... tu peux jamais me dire non...
    Avec un petit gloussement, elle le força à se lever et à l’enlacer.
    Julianna n’avait pas beaucoup d’équilibre et Henry n’eut d’autre choix que de
     resserrer son étreinte sous peine de voir tomber la jeune femme un peu
     ivre.
    — Mignonne, chantonna Julianna, voici mon cœur, mon cœur qui rêve…
    Le couple dansa un peu.
    — Mignonne, toi que je n’ose chérir… Laisse-moi souffrir… Voici mon cœur, mon
     cœur qui t’aime…
    Léonie ramena subtilement sa fille à l’ordre.
    — Julianna, j’ai un p’tit peu froid ce soir, l’humidité... Va me chercher mon
     châle, veux-tu ma fille ? Je l’ai laissé dans la cuisine, je crois.
    Julianna accepta et se dirigea, un peu chancelante, vers le corridor. Mais
     avant de s’y engager, elle se retourna à demi et s’adressa à Henry.
    — Oh tant qu’à aller dans la cuisine, j’aurais besoin des services d’un
     homme... Viens m’aider Henry, ordonna-t-elle avant de quitter la pièce sans même
     s’assurer que l’avocat la suivait, comme si cela allait de soi.
    Celui-ci, gêné et surpris par la demande, hésita un instant, cherchant
     l’approbation des autres. Monsieur Morin avait repris son discours interrompu
     par la demande de Léonie et la femme semblaitl’écouter
     attentivement. Marie-Ange fouillait à son tour dans les disques à la recherche
     de celui de La Bolduc, son préféré. Au moins, le rythme endiablé la tiendrait
     éveillée. Et les paroles de la chanteuse étaient un peu plus intelligentes que
     ces bêtises de cœur qui chante… François-Xavier s’était levé et lui tournait le
     dos, perdu dans la contemplation de la ville. L’homme roux semblait regarder
     quelque chose de bien important par la fenêtre. Henry haussa les épaules et alla
     à la cuisine. Il y trouva Julianna, penchée au-dessus de l’évier, respirant à
     petits coups. Henry s’empressa auprès d’elle et inquiet lui demanda :
    — Ça va ?
    Elle se retourna en prenant une grande respiration. Elle était un peu pâle mais
     reprit vite des couleurs. Elle répondit en riant :
    — J’ai juste eu un peu mal au cœur tout à coup, j’ai trop mangé de

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