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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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plus vieux bien sûr… Pis moi, quand j’ai chanté, Marie-Ange,
     j’aurais voulu que tu sois là. J’pense qu’on a applaudi pendant deux bonnes
     minutes ! C’est vrai Henry, hein ?
    L’avocat fit signe que oui. Il était encore tout remué par la scène de la
     cuisine. Ce baiser… Il avait été à un cheveu d’embrasser Julianna, une femme
     mariée ! Et Léonie qui les avait surpris. Il n’attendait plus que le moment
     propice pour s’éclipser… mais dès son retour dans le salon, François-Xavier lui
     avait offert de disputer unepartie d’échecs et il n’avait su
     trouver les mots pour refuser. Julianna continua sur sa lancée et s’adressa à
     tout le monde et à personne en même temps. Marie-Ange ne l’écoutait plus, ayant
     refermé les yeux. La Bolduc s’était tue et plus rien ne la tenait
     éveillée.
    — Le lieutenant-gouverneur lui-même m’a dit qu’y avait jamais entendu une plus
     belle interprétation de Haydn.
    Personne ne releva la remarque. Monsieur Morin s’était enhardi à prendre la
     main de Léonie et il lui murmurait à voix basse Dieu sait quoi ! Son mari et
     Henry étaient penchés, face à face, sur le plateau de jeu comme si plus rien
     d’autre n’existait. Sa sœur semblait s’être endormie !
    Julianna sentit la colère monter en elle. D’une voix forte, elle annonça d’une
     traite :
    — Pis tenez-vous bien, on m’a proposé de devenir professeur de chant au
     Conservatoire national de musique !
    Un silence se fit. Toutes les têtes se relevèrent et les regards convergèrent
     vers Julianna ; même Marie-Ange sortit des limbes.
    Avait-elle réellement dit cela ? Avait-elle laissé échapper son secret ? « Oh
     Julianna que t’es bête ! » se dit-elle. Cela devait être à cause du champagne.
     Elle savait qu’il serait délicat de l’annoncer à François-Xavier sans que
     celui-ci monte sur ses grands chevaux, aussi avait-elle décidé d’agir en
     douceur. Et voilà qu’elle n’avait pu se retenir et qu’elle avait lâché cela sans
     délicatesse !
    — Quoi ? réagit Léonie, un poste de professeur ?
    — Oui, répondit Julianna d’une petite voix, n’osant regarder son mari. Pour
     l’automne. Oh pas beaucoup d’heures mais...
    — Professeur, c’est-tu comme une maîtresse d’école ? demanda Marie-Ange.
    — Ben, pas vraiment, je montrerais juste à chanter...
    — Parce qu’on montre ça, comment chanter ? s’étonna sa sœur. Moé, j’pensais que
     c’était comme pour les p’tits oiseaux, y en a quelques-uns qui chantent bien pis
     d’autres qui criaillent.
    — Félicitations Julianna, c’est une grande nouvelle ! parvint à
     dire Henry d’un ton presque naturel.
    — Au Conservatoire national… C’est un emploi très prestigieux, commenta
     monsieur Morin.
    — Ah ben j’en reviens pas, continua Marie-Ange, on montre à chanter à du
     monde !
    Pendant cet échange, Julianna jetait de timides coups d’œils à son mari. Le
     visage dur de celui-ci exprimait une profonde colère. Elle connaissait son
     homme, il gardait toujours le contrôle de lui-même, mais quand il explosait, sa
     furie était grande.
    Elle eut un petit gloussement et essaya de changer de sujet.
    — Oh, je vous ai pas raconté quand le sénateur a marché sur la robe de la femme
     avec qui il dansait...
    Tout à coup, François-Xavier se leva et envoya valser le jeu d’échecs. Julianna
     eut un sursaut et se leva, le cœur battant. Les poings fermés, ignorant les
     pièces tombées par terre, son époux dit d’une voix sourde :
    — Tu vas pas aller travailler à c’t’école de musique.
    — François-Xavier, on en reparlera demain... le supplia presque Julianna.
    — Non, répliqua fermement François-Xavier. On en reparlera pas, ni demain ni
     jamais.
    Tout le monde était mal à l’aise.
    — Bon ben, moi, commença monsieur Morin en se levant à son tour, je crois qu’y
     est l’heure que je vous dise le bonsoir.
    — Je vous raccompagne, Albert, dit Léonie en joignant le geste à la
     parole.
    En silence, Henry avait ramassé quelques pièces du jeu. Une à une, il laissa
     tomber le roi, la reine et le fou des pions blancs sur la petite table et
     dit :
    — Euh, si ça vous dérange pas, monsieur Morin, nous allons faire la route
     ensemble.
    Marie-Ange décréta qu’elle dormait debout et qu’elle se
     retirait elle aussi. La tempête grondait dans le salon et elle

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