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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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frénétiquement à prier.
    « Seigneur Dieu tout-puissant, chus votre instrument, guidez-moé, montrez-moé
     quoi faire... »
    Et le Seigneur lui répondit. Quand son gendre déclara qu’il avait l’intention
     de devenir colon, elle sut à l’instant précis ce qu’elle devait faire. D’un air
     décidé, elle ouvrit les portes et s’interposa entre les deux époux.
    — Si tu veux rester à Montréal, tu peux... répétait François-Xavier à sa
     femme.
    — Ta femme va te suivre, déclara Léonie d’une voix empreinte d’émotion.
    Julianna s’était affaissée sur une chaise, complètement atterrée, essayant
     d’assimiler les terribles paroles de son mari. Elle avait seulement voulu le
     rendre jaloux, le faire réagir, le forcer à lui faire des compliments, se venger
     de son indifférence. Encore une fois, il ne se battait pas pour elle, encore une
     fois, il lui tournait le dos, toutsimplement, il la rejetait.
     Julianna, défaite, laissa sa tante intervenir sans réagir.
    François-Xavier regarda l’intruse et haussa les épaules en signifiant qu’elle
     pouvait dire ce qu’elle voulait. Il ne croyait plus à son mariage.
    — Oui, François-Xavier, Julianna va te suivre, répéta fermement Léonie. Une
     femme se doit d’être aux côtés de son mari pis de tout faire pour le rendre
     heureux.
    Doucement elle s’approcha de l’homme qui, les mains dans les poches, regardait
     par la fenêtre le paysage de sa vie ratée.
    — Dieu vous a unis. Rien peut défaire les liens du mariage… Ton père Ernest, y
     doit pleurer ben des larmes à cause de tes paroles.
    François-Xavier regarda Léonie un moment, une expression indéchiffrable au fond
     des yeux.
    — Laissez mon père en dehors de ça, répliqua-t-il après un moment.
    Il voulut quitter la pièce. Léonie le retint.
    — Attends, mon gars... J’ai quelque chose à vous dire, à toé pis Julianna. Chus
     rendue vieille pour des enfants qui courent partout. J’aimerais ben retrouver un
     peu de tranquillité. Pis peut-être que j’vas me remarier… J’veux pus que vous
     habitiez icitte.
    Julianna eut un hoquet de surprise.
    — Marraine !
    Sa mère adoptive la rejetait aussi. Elle se sentit trahie. Elle avait envie de
     pleurer mais essayait de toutes ses forces de se retenir.
    — On va s’organiser pis vous allez retourner vivre au Lac, continua Léonie d’un
     ton ferme.
    François-Xavier tenta encore une fois de quitter le salon. Pour lui, tout cela
     n’était que des paroles en l’air. Il voulait mettre le plus de distance possible
     entre lui et sa femme.
    — J’ai pas fini, François-Xavier.
    L’homme obéit et s’immobilisa. D’une main lasse, il se frotta les yeux.
    — Je t’en ai pas parlé, mais vu que j’ai aidé mon neveu Ti-Georgesà s’acheter une ferme, ça serait rien que normal que je fasse
     pareil avec vous autres.
    — Vous nous devez rien pantoute. Vous en avez assez fait comme ça, dit
     François-Xavier.
    Léonie essaya de le convaincre.
    — J’vas vous verser votre héritage tout de suite !
    François-Xavier refusa.
    — J’veux pus de votre argent. J’vas faire comme mon père et partir de rien. Je
     m’en vas défricher une terre pis j’emmène mes enfants avec moé ! Que Julianna
     reste avec vous !
    De nouveau, il voulut quitter la pièce mais Léonie s’interposa
     physiquement.
    — Allons, François-Xavier… Ton père avait pas la responsabilité de jeunes
     enfants pis d’un bébé. Y survivraient peut-être même pas dans des conditions
     aussi difficiles ! Calme-toé un peu pis écoute-moé…
    Léonie réfléchissait à toute allure. Elle connaissait son gendre et savait que
     seul le désespoir l’aveuglait et le faisait s’accrocher à ce projet de
     colonisation. Quant à sa fille adoptive, jamais elle ne pourrait réussir à
     surmonter une vie de pionnier.
    Nerveusement, elle se mit à marcher de long en large, en face de son gendre.
     Dieu lui fit penser à une solution, lui donnant les idées au fur et à mesure
     qu’elle les énonçait.
    Elle s’enflamma.
    — Quand j’étais à Saint-Ambroise, j’ai eu connaissance que le couple Dallaire,
     y se cherchait un homme engagé. Y ont une grande terre pis y ont perdu leurs
     deux fils à la guerre. Y ont pas d’autres enfants. Y ont même deux maisons,
     chacune à un bout du lot. Je pense que c’était le plus vieux qui s’était
     construit en vue de son mariage. Les Dallaire, y te

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