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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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n’aurait jamais brisé leur amour. Elle croyaitmaîtriser sa vie,
     comme si celle-ci était un jeu dont elle pouvait tirer les ficelles à son gré.
     Elle était certaine de son pouvoir de séduction, de son emprise sur son mari. De
     l’importance qu’elle avait pour lui. Elle prit conscience que depuis qu’elle
     était toute petite, elle croyait que le soleil ne brillait que pour elle. Pour
     la première fois de sa vie, elle venait de recevoir une dure leçon. Quand on
     prend la vie et les sentiments des autres comme un jeu, on ne gagne pas
     toujours. Elle avait perdu.
    Quand Henry apprit la nouvelle du départ, il vint leur dire au revoir et leur
     souhaiter bonne chance. L’avocat fut soulagé de voir qu’il était accueilli comme
     si la soirée du bal n’avait jamais eu lieu. Léonie le fit entrer amicalement
     dans la cuisine et lui offrit le thé. François-Xavier l’avait toisé un
     instant.
    Il prit conscience à quel point sa relation avec le premier prétendant de sa
     femme avait changé au cours des dernières années. Toutes ces discussions
     politiques autour d’une bière, les parties de hockey auxquelles ils avaient
     assisté côte à côte et pendant lesquelles c’était à celui qui hurlerait le plus
     fort. Ce que l’avocat avait fait pour Ti-Georges et pour le comité de défense...
     François-Xavier se dit qu’il y aurait probablement toujours une part de jalousie
     en lui, mais que le respect et l’amitié profonde qui s’étaient tissés ne
     pourraient pas s’étioler. Henry faisait partie de la famille maintenant. Sans
     qu’il s’en rende compte, son rival était devenu un frère. Il était le parrain de
     Mathieu et comme un oncle pour les enfants. François-Xavier eut honte de cette
     jalousie. Il pouvait faire confiance à Henry, il en était certain.
    D’un geste un peu maladroit, il prit Henry dans ses bras et lui fit une
     accolade en disant :
    — Nos rencontres vont me manquer, mon ami… Mais pas les parties d’échecs.
    Il ajouta :
    — T’es mieux de venir nous voir à Saint-Ambroise.
    — Je n’y manquerai pas certain, répondit Henry.
    Julianna, émue, regarda les deux hommes s’étreindre. Elle essaya de ne pas
     montrer son trouble quand elle vint, à son tour, enlacer affectueusement l’ami
     de la famille.
    — Tu vas être le bienvenu… Pis essaie de te trouver une bonne fille !
     J’voudrais que tu sois heureux…
    En s’allumant une pipe, François-Xavier étudia son épouse. Sa colère était
     tombée depuis longtemps. Il était fait ainsi. Calmé, il voulait seulement que
     les choses s’arrangent, que tout aille pour le mieux entre lui et Julianna… Mais
     il ne savait comment l’aborder. Depuis la terrible scène du salon, elle était
     triste, éteinte. Au contraire de ses bouderies précédentes, cette fois-ci, elle
     n’avait pas la même attitude. Elle continuait à lui adresser la parole et à
     vaquer à ses tâches seulement, elle semblait détachée de tout. Elle ne le
     regardait jamais dans les yeux. Il était devenu invisible pour elle. Ce n’était
     pas qu’elle l’ignorait, non. C’était difficile à expliquer… On aurait dit qu’il
     n’avait plus de consistance pour elle. Avant, elle lui aurait fait sentir son
     ressentiment, en brusquant l’assiette qu’elle aurait déposée devant lui ou en
     lui lançant des regards meurtriers et en lui parlant sèchement jusqu’à ce qu’ils
     fassent la paix… Aujourd’hui, François-Xavier se demandait si réellement la
     réconciliation serait possible. Lui, en tout cas, n’avait pas la moindre idée de
     ce qu’il pouvait faire pour y parvenir. Il avait essayé de lui parler, de
     revenir sur les propos de la dispute. Comme toujours, les mots se bloquaient en
     lui. Il s’était fait tendre envers elle. Elle l’écoutait sans sembler vraiment
     l’entendre, le regard lointain, avec une telle tristesse au fond des yeux que
     François-Xavier abandonnait. Puis elle s’excusait, prétextant une tâche
     quelconque à faire. Sa femme était devenue inaccessible, voilà, c’était cela. Il
     pouvait lui parler, la toucher, même lui faire l’amour comme la nuit
     précédente ; elle était comme les volutes de fumée qui sortaient de sa pipe...
     Des spirales blanches d’apparence épaisse que l’on ne peut ni saisir ni
     retenir.

    Léonie fut très occupée, surtout que mademoiselle Brassard
     avait demandé un long congé, pour la

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