La chasse infernale
lever quand le shérif et le magistrat entrèrent dans la pièce. Il était grand, avec un austère visage rasé de près et couronné d’une masse de cheveux blancs. De profondes rides étaient creusées autour de sa bouche aux lèvres minces. Il portait une coûteuse robe bleu nuit et son capuchon, sa coule et sa toge étaient brodés des liserés d’argent réservés aux maîtres. Lady Mathilda Braose était installée sur le tabouret de Sir Walter. Elle était courtaude et avait dissimulé sous un voile sombre sa chevelure gris acier et son visage ingrat. Une pèlerine grise recouvrait sa robe bordeaux boutonnée jusqu’au col. Des cernes profonds jetaient une ombre sur l’éclat de ses yeux noirs et ses lèvres figées dans une expression pétulante donnaient à sa figure cireuse un air sarcastique et hautain. Richard Norreys, qui fit les présentations, était un homme autrement affable et jovial : visage rond avec moustache et barbe soigneusement entretenues, chevelure rousse sillonnée de gris. Sa poignée de main était ferme et il semblait désireux de plaire.
— Nous vous attendions céans, déclara-t-il d’un ton chantant, parce que, Sir Walter, on nous a dit que vous n’alliez pas tarder à revenir. Mais si j’avais su que vous étiez en si illustre compagnie...
Les yeux bleus et protubérants de Norreys cillèrent. Il s’humecta les lèvres comme s’il voulait choisir ses mots avec grand soin.
— Oh, assez de simagrées, Norreys ! s’exclama Lady Mathilda en repoussant l’assiette d’anguilles. Sir Walter, nous sommes venus récupérer le corps de Passerel. Il a péri de malemort. Nous désirons lui faire des funérailles décentes.
Bullock, sans lui répondre, s’empara de l’écuelle d’anguilles, s’adossa au mur et se mit à manger. Il ne se soucia pas de regarder Tripham et Corbett sentit l’animosité qui existait entre eux. Lady Mathilda jeta un coup d’oeil sournois au magistrat, négligeant, avec une moue dédaigneuse, Ranulf et Maltote qui se tenaient derrière lui.
— Ainsi vous êtes le clerc du roi ? Corbett, c’est ça ?
— C’est exact, Madame, répondit-il en s’inclinant.
— J’ai entendu parler de vous, Corbett, reprit-elle, et de votre long nez fouineur. Le limier du roi est donc à Oxford pour renifler les immondices !
— Non, Madame, intervint promptement Ranulf. Nous sommes venus à Oxford pour capturer le Gardien, un traître avéré. Nous le conduirons à Londres pour le pendre, le noyer et l’écarteler aux Elms près du Tyburn.
— Vraiment, petit rousseau ? se moqua Lady Mathilda à voix basse. Vous allez attraper le Gardien et le pendre !
Elle claqua des doigts.
— Comme ça ?
— Non, Madame, rectifia Corbett. Comme vous le dites, je fureterai dans les ordures et je l’en ferai sortir, tout comme je le ferai pour le responsable des morts d’Ascham et de Passerel et, peut-être, pour l’assassin de sang-froid des pauvres mendiants.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? cria Tripham en se levant. Voulez-vous dire que c’est un seul et même individu ?
— C’est un bon limier, il est déjà sur une piste parmi les immondices, remarqua Sir Walter avec un grand sourire.
Il se fourra un bout de pain dans la bouche.
— Lady Mathilda ! Lady Mathilda ! Messire Tripham !
Messire Norreys s’avança en agitant les mains. Il se ressaisit et s’essuya les mains sur sa cotte de laine.
— Sir Hugh est le clerc du roi, reprit-il. Nous nous sommes déjà rencontrés, Sir Hugh.
Il se dirigea vers Corbett.
— J’étais dans les armées du roi au pays de Galles.
Le magistrat hocha la tête dans un geste de dénégation.
— Nous étions si nombreux et cela fait si longtemps...
— Je sais, je sais.
Norreys retroussa la manche de sa toge et montra son bracelet de force en cuir.
— J’étais dans l’avant-garde, expliqua-t-il.
Corbett acquiesça.
— Ah oui, un éclaireur.
— Et à présent les Gallois sont à Sparrow Hall, intervint Tripham.
Il eut un sourire forcé comme pour s’excuser de sa précédente rudesse.
— Sir Hugh, quoi que vous en pensiez, vous êtes le très bienvenu. Le roi a insisté pour que nous nous montrions hospitaliers. Richard Norreys, que voici, est le responsable de l’hostellerie. Il fera en sorte que vous soyez convenablement nourri et logé.
Il remonta sa robe sur ses étroites épaules.
— Et ce soir, Sir Hugh, vous êtes nos invités à
Weitere Kostenlose Bücher