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La Chimère d'or des Borgia

La Chimère d'or des Borgia

Titel: La Chimère d'or des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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c’est tout ! Mais que cela ne vous coupe pas l’appétit, ajouta-t-elle en voyant entrer Louise, sa femme de chambre, munie d’un nouveau plateau copieusement garni qu’elle déposa sur une petite table proche du lit.
    C’était une habitude ancienne : quand Marie-Angéline rentrait de Saint-Augustin – à jeun, communion oblige ! – les deux dames déjeunaient ensemble, l’une dans son lit, l’autre à la table, en commentant les potins du quartier dont l’arrivante rapportait toujours un plein panier, grâce à l’espèce de centre de renseignements qu’elle s’était créé au contact des habitués de l’office matinal. Le rituel commençait en général par le « Quelles nouvelles aujourd’hui ? » de la marquise. Cette fois, rien ne vint sinon, au bout de quelques instants :
    — Nous sommes idiotes toutes les deux de nous tourmenter comme nous le faisons ! Bien sûr Aldo avait promis de téléphoner dès son arrivée mais souvenons-nous que le Simplon n’entre en gare de Venise qu’à 19 h 40… sauf retard possible, qu’il faut le temps de rentrer à la maison et que, si on lui a annoncé, à ce fichu téléphone, une attente de trois ou quatre heures, il aura pensé que cela nous amènerait trop tard – surtout s’il est lui-même fatigué ! – et je reste persuadée qu’il va appeler ce matin ! Mangez donc, au lieu de continuer à tartiner ce toast d’un air dégoûté !
    Ce qui eut pour effet de faire reposer aussitôt couteau et tartine.
    — Je ne peux m’empêcher d’être inquiète ! Et je ne sais même pas pourquoi !
    — Naturellement, nous le savons ! D’ailleurs je suis dans le même cas ! Est-ce assez bête !… Ah ! Il me semble que le téléphone sonne à la loge !
    Plan-Crépin avait de bonnes oreilles. Elle partit au galop et dégringola l’escalier…
    Quand elle revint de la loge du concierge, elle était verte et dut s’asseoir sur les premières marches. Ce que voyant, Cyprien partit chercher un verre de cognac qu’il lui mit dans la main. En temps normal, il ne débordait pas d’affection pour elle à cause de cette compétition larvée qui les opposait depuis la prise de fonction dans la maison de Marie-Angéline, au sujet de l’affection de M me de Sommières. Mais là !…
    — Qu’est-ce qui se passe ? chuchota-t-il.
    — C’était M. Buteau. Hier soir, il est allé le chercher à la gare de Santa Lucia… et Aldo n’y était pas !
    — Quoi ? Mais Monsieur le prince est bien parti avant-hier ! C’est Lucien qui s’est occupé de lui trouver le taxi à qui il a donné l’ordre de conduire son passager à la gare de Lyon !
    — Oui. Tout ça est vrai !… Seulement il reste qu’à l’arrivée à Venise il n’était plus dans le train !
    — Doux Jésus ! émit le vieux maître d’hôtel en joignant les mains et en levant les yeux vers les hauteurs de l’escalier, imité en cela par Plan-Crépin.
    — Eh oui ! soupira celle-ci. Il va falloir lui dire !
    Et d’un pas alourdi par l’inquiétude, elle remonta lentement les marches dévalées à si vive allure un moment plus tôt… Enraciné dans les dalles, Cyprien tendit l’oreille jusqu’à ce qu’il perçoive une exclamation, puis plus rien, sinon le bruit de la porte refermée.
    — … Et ce n’est pas tout ! continua Marie-Angéline encore appuyée à la poignée. Mais je n’ai pas jugé utile d’en faire part à Cyprien. Nous pensons bien que M. Buteau n’en est pas resté là… Il s’est élancé sur le quai à la recherche du chef de train et des conducteurs de wagons-lits… Celui qui s’occupait de la voiture quatre a confirmé avoir embarqué le prince Morosini – qu’il ne connaissait pas d’ailleurs ! – et a mentionné que son passager s’était déclaré souffrant afin de se faire servir dans son compartiment…
    — Souffrant ? Mais il était en pleine forme !
    — C’est ce que j’ai dit à ce pauvre Guy qui était aux cent coups surtout quand ledit conducteur lui eut signalé que la santé du prince n’avait pas dû s’améliorer pendant la nuit, parce qu’il toussait de façon alarmante quand il a quitté le train à Brigue…
    — À Brigue ? Lui aussi ? Comme Pauline ?… C’est très beau, j’en conviens, et le vieux château des Stockalper mérite sans conteste une visite mais, en dehors de cela, du ski et des excursions en montagne, qu’est-ce qu’on peut bien y faire ? Aldo serait-il devenu fou ?
    — Il n’en donnait pas l’impression ! Aussi,

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