La Chimère d'or des Borgia
avec votre permission, je vais faire la seule chose intelligente qui me vienne à l’esprit…
— Dites toujours !
— Me changer et filer Quai des Orfèvres ! Le commissaire doit être mis au courant tout de suite !
— Bien entendu vous avez ma permission.
Et, voyant qu’elle allait sortir :
— M. Buteau vous a-t-il dit comment Lisa a pris la nouvelle ?
— Ça, c’est le pire ! Elle s’est enfermée dans sa chambre en interdisant qu’on la dérange. Il faut dire aussi… qu’elle a reçu une lettre – anonyme ! – aux termes de laquelle on la plaint beaucoup de son infortune conjugale !
— Miséricorde !… Foncez, Plan-Crépin !… Ou plutôt, téléphonez ! Ce sera plus rapide et j’aimerais le voir ! Nous n’avons plus que lui maintenant qu’Adalbert nous a rayées de ses relations ! ne put-elle s’empêcher d’ajouter…
Marie-Angéline ne releva pas, disparut et revint dix minutes plus tard.
— Il sera là à 11 heures… et il se permet de nous donner un conseil : c’est de vaincre nos réticences et de faire entrer le téléphone dans la maison. Ne serait-ce que dans le vestibule !
La marquise ne répondit pas tout de suite, se mit à la recherche de ses pantoufles pour se lever, renifla… et finalement rendit les armes.
— Comme toujours, il a raison ! Occupez-vous de ça, Plan-Crépin ! Après tout, ce ne sera jamais moi qui répondrai la première !
Elle réfléchit un instant puis conclut :
— Puisque nous en sommes à ce point, il serait peut-être utile de prévoir deux dérivations : une dans le jardin d’hiver et une autre dans votre chambre, par exemple !
Bien que le moment ne soit pas franchement à la gaieté, l’air faussement candide de la vieille dame fit sourire son « fidèle bedeau » !
— On pourrait, en effet ! Cela me paraît même une très bonne idée !
Et, en attendant, elle retourna chez le concierge…
À 11 heures tapantes, Langlois effectuait son apparition, et tout le monde put constater que sa mine était sombre. Passé les politesses de la porte, il accepta le fauteuil qu’on lui offrait et braqua sur Plan-Crépin un regard plus que soucieux.
— Racontez ! fit-il sobrement.
Elle s’y employa de son mieux, veillant à n’omettre aucun détail et, quand ce fut fini, à n’ajouter aucun commentaire, se contentant d’attendre en observant le bout de ses doigts. Après un court silence, le policier se leva pour aller s’adosser à une jardinière, ce qui lui permettait de voir les deux femmes à la fois.
— Vous dites qu’il était en parfaite santé quand il vous a quittées ?
— Parfaite ! confirma M me de Sommières. Il est fragile des bronches depuis la guerre, comme vous le savez, mais il avait relevé le col de son pardessus et portait une écharpe de soie, il n’était pas le moins du monde emmitouflé. Que pensez-vous de tout cela, Monsieur le commissaire ?
— Rien de bon, Madame, parce que la fable de l’escapade amoureuse ne tient plus et – pardonnez-moi si je vous inquiète ! – nous sommes en présence d’une affaire très certainement criminelle.
— Vous pensez…
— … qu’on a enlevé Aldo… je veux dire votre neveu…
— Ne changez rien surtout ! pria-t-elle avec un sourire un peu tremblant. Seuls ses vrais amis l’appellent ainsi ! Mais je vous ai interrompu ! Veuillez continuer !
— Merci ! On l’a enlevé donc ! Reste à savoir si c’était avant le départ du train ou en cours de route !
— Cela me paraît difficile, objecta Plan-Crépin. Aldo est de taille à se défendre et s’il avait subi une contrainte quelconque durant le trajet, le conducteur du wagon-lit ou même un autre passager s’en serait aperçu !
— On a pu lui remettre un message lui enjoignant de descendre à Brigue et menaçant par exemple la vie de Mrs Belmont qui, elle-même, a disparu à cet arrêt !
— Possible, en effet, parce qu’en allant à la gare cela me semble improbable. On n’arraisonne pas un taxi en plein Paris.
— On en fait bien d’autres !
— Vous le savez mieux que moi, mais je vous rappelle qu’il est allé à la gare et que c’est seulement à Brigue qu’il s’est volatilisé.
— Était-ce vraiment lui ?
— Vous pensez… à un imposteur ? Mais, cher commissaire, c’est tout à fait impossible ! Il est inimitable !
— Là, c’est votre affection qui parle… et je vous rappelle que dans le « milieu » il existe de véritables artistes. Il est parti en taxi,
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