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La Chimère d'or des Borgia

La Chimère d'or des Borgia

Titel: La Chimère d'or des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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    — Qu’avez-vous en tête ?
    — Je ne veux pas savoir si tu es son amant mais seulement si tu l’aimes ?
    — Vous oubliez le bel Ottavio. Il la suit comme son ombre et cela n’a pas l’air de lui déplaire.
    — Tu ne réponds pas à ma question. L’aimes-tu ? À moi tu peux tout dire, tu le sais ? Et je peux tout comprendre parce que tu es l’enfant de mon cœur…
    — En vérité, je ne sais pas. Ça peut paraître idiot et pourtant c’est vrai. Je ne parviens pas à démêler mes sentiments quand je pense à elle.
    — Et cela t’arrive souvent ?… Je veux dire, d’y penser ?
    — Trop souvent quand je la sens proche. Autant vous l’avouer tout de suite : j’éprouve pour elle un… un ardent désir, murmura-t-il.
    — Alors écoute mon conseil ! Même s’il n’est pas des plus moraux : assouvis-le une bonne fois ! Tu seras délivré de ton obsession !
    Il détourna les yeux dans la vaine espérance d’échapper à ce regard si limpide, si perspicace aussi, tout en sachant fort bien que c’était inutile.
    — C’est déjà fait ! avoua-t-il dans un souffle.
    — Et ?
    — Je ne rêve que de recommencer… Comment vous expliquer ?…
    — C’est inutile… et tellement facile à comprendre ! Il est évident qu’elle t’aime… Une femme de cette valeur ne se partage pas. Elle se donne tout entière et sans retour. Alors ce ne sont pas uniquement tes sens mais ton cœur qui pourrait s’engager et le seul conseil utile que je puisse te donner, c’est de t’en aller ! Je sais que, chez les Morosini, on n’a jamais accepté de fuir devant le danger, mais celui-là est trop séduisant ! Tu pourrais y laisser une partie de toi-même.
    — Je sais et c’est pourquoi ce soir je rentrerai sagement à la maison !
    M me de Sommières fit une affreuse grimace.
    — Oh, que je n’aime pas ça ! Ta phrase sent le pot-au-feu et les pantoufles et ta femme ne mérite pas cette étiquette. Elle est beaucoup trop belle et trop racée pour cela ! En outre, la maternité l’a épanouie de façon magnifique.
    — L’ennui, c’est qu’elle l’ait aussi envahie ! Dieu sait que j’aime mes trois lurons ! Mais il y a des moments où j’ai l’impression d’être une sorte de supplément et je ne retrouve plus ma Lisa des premiers temps de notre mariage !
    — Parlons-en des premiers temps ! À l’exception de six ou sept malheureuses semaines, elle les a vécus sous le figuier d’un rabbin roublard avec pour seule compagnie une brave femme avec qui la conversation ne devait être ni enrichissante ni passionnante puisqu’elle faisait preuve d’un mutisme admirable, et n’oublions pas les premières semaines de grossesse dont tu ne sauras jamais à quel point elles sont récréatives ! Pendant ces joyeusetés, tu galopais on ne sait où avec Adalbert en te faisant un sang d’encre. Ce qui me fait espérer que tu aimes toujours ta femme, même si ses antécédents helvétiques se font souvent sentir !
    — Mais évidemment que je l’aime ! Sinon, je ne serais pas aussi mal dans ma peau !
    — Alors file prendre ton train pour Venise et laisse les choses se remettre en place toutes seules !
    Aldo se leva et vint entourer de ses bras la tête de la vieille dame pour y poser un baiser reconnaissant.
    — Merci infiniment, Tante Amélie ! Faites-moi penser à vous dire plus souvent que je vous aime, vous aussi !
    — Mais j’espère bien ! fit-elle en lui rendant son baiser et en refoulant ses larmes.
     
    Dans la soirée, plein de bonnes résolutions mais triste tout de même de n’avoir pas revu Adalbert, Aldo Morosini arrivait à la gare de Lyon d’où partait le Simplon-Orient-Express qui en vingt-deux heures le ramènerait au bercail.
    Voyager à bord de ce beau train aux wagons bleu foncé était un plaisir dont il ne se lassait pas. Il en aimait le confort absolu, le luxe de bon ton, la cuisine excellente et le service irréprochable. C’était un long moment de tranquillité où, seul avec soi-même, on pouvait mettre à plat tous ses problèmes pour les examiner sans crainte d’être dérangé, reposer ses yeux sur d’admirables paysages de montagnes et de lacs bleus ou simplement rêver en fumant une cigarette ou un cigare… Tout cela, bien sûr, à condition de ne pas tomber dès les premiers tours de roue sur une quelconque relation, immanquablement du genre casse-pieds et s’entendant comme personne à changer en enfer vos délicieux instants d’un paradis égoïste. La seule

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