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La Chimère d'or des Borgia

La Chimère d'or des Borgia

Titel: La Chimère d'or des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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jour les trouva, peu après Lausanne, ils n’avaient pas accordé au sommeil une seule minute de cette précieuse nuit. Ils n’avaient pas beaucoup parlé non plus. La vie quotidienne cependant reprenait ses droits en même temps que celle du train… et de la sagesse. Tout ce qu’ils avaient joyeusement balayé de leur étroit sanctuaire et qu’il fallait pourtant prendre en considération. Le mot était affreux mais la chose indispensable.
    Et malheureusement se séparer. Le plus difficile ! Et sans trop traîner ! Pauline avait choisi de descendre à Brigue, imposant nœud ferroviaire juste avant que le convoi n’entame la montée vers le tunnel du Simplon, d’où elle repartirait rapidement pour Lausanne – d’où il lui serait aisé de regagner Paris. Et le train y serait à 9 h 20.
    Elle avait d’abord songé continuer jusqu’à Milan où le grand express européen arriverait à 14 h 40, mais ces quelques heures supplémentaires, il aurait fallu les vivre séparément. Impensable à la suite de tant de divines folies ! Aussi, sur un ultime – et interminable ! – baiser où leurs corps s’épousèrent pour la dernière fois, Pauline, traînant ses mousselines au bout d’un doigt, regagna son compartiment dont la porte se referma derrière elle. Le discret bruit du verrou que l’on tire boucla définitivement l’accès à ce paradis inespéré et d’autant plus pénible à quitter.
    Aldo resta un moment le dos collé au battant d’acajou pour laisser à son cœur le temps de reprendre un rythme normal, plongea dans l’étroit cabinet de toilette pour se laver entièrement à l’eau froide, s’habilla et baissa sa vitre afin que l’air du dehors emporte autant que faire se pourrait l’envoûtant parfum de Pauline, ce N° 5 de Chanel qui était déjà pour lui une invite à l’amour…, sortit dans le couloir, alluma une cigarette bien qu’il n’aimât pas fumer avant le petit déjeuner, tira trois ou quatre bouffées, puis la laissa se consumer toute seule dans le cendrier.
    L’arrêt en gare de Brigue le trouva au wagon-restaurant où il fit grand honneur au petit déjeuner suisse, le meilleur du monde peut-être. De sa fenêtre il vit passer Pauline tirée à quatre épingles et très élégante à son habitude dans un tailleur aussi Chanel que son manteau de vison gris posé sur les épaules. Il admira aussi les larges lunettes noires qu’un pâle soleil faisait ce qu’il pouvait pour justifier. Tout comme la longue et fine écharpe grise dont était entourée la tête de la jeune femme, accessoires destinés à compenser une coiffure bâclée et des lèvres meurtries par trop de baisers. Quelques heures de repos et un maquillage soigné répareraient les dégâts…
    Dans le regard qu’il posait sur elle tandis qu’elle se perdait au milieu des voyageurs se mêlaient l’orgueil d’avoir à ce point conquis une telle femme et un profond sentiment de tendresse. Pour la première fois il lui avait dit « je t’aime ». Elle avait répondu par une sorte de sanglot étouffé qui pouvait traduire une joie longtemps attendue. Avant de se séparer, ils ne s’étaient pas joué la comédie – sincère en général, une fois la passion apaisée ! – des bonnes résolutions. C’était ridicule, chacun d’eux sachant pertinemment à présent qu’ils auraient envie de s’étreindre chaque fois qu’ils se reverraient ! La sagesse consisterait donc à en éviter les occasions le plus possible.
    Entre Brigue et Venise, Aldo avait encore dix heures de voyage. Incapable de dormir, il en employa deux à se restaurer. Lui en restait par conséquent huit à faire son « examen de conscience ». Et ce n’était pas le plus facile parce que la séance d’introspection passait d’abord par Lisa.
    Pourrait-il vraiment plonger son regard dans les profondeurs violettes du sien, la tenir dans ses bras, la caresser avec, dans les yeux, l’image du visage de Pauline à l’instant suprême, dans les oreilles le cri qu’il avait étouffé sur sa bouche, dans les mains la douceur veloutée de sa peau ?
    La réponse immédiate fut : non. Non ! Trois fois non ! Et s’il se maudit d’avoir cédé à l’irrésistible tentation, même s’il ne l’avait ni voulue ni cherchée, il était bien obligé de s’avouer qu’il en rêvait depuis que le nom de Belmont avait été prononcé devant lui et qu’il se sentait vraiment coupable ! Rentrer à Venise dans cet état était impensable. Pas ce

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