La chute de l'Empire Romain
allait survenir : l’affrontement entre ce qu’il restait de vertu romaine et les Barbares, huns d’abord, mais aussi vandales.
La terre avait tremblé en Gaule et en Espagne. La lune s’était éclipsée à son lever, et c’était là un présage sinistre ! Une comète était apparue à l’horizon, du côté du soleil couchant.
Le ciel s’était revêtu pendant plusieurs jours de nuages de sang au milieu desquels des monstres armés de lances de feu luttaient jusqu’à ce que dans un grand fracas il parût se fendre, déversant une pluie noire.
Ces signes, l’apparition des Huns, la volonté d’Attila de ravager et de piller la Gaule, affolaient les peuples.
Certains rejoignaient les Huns, d’autres fuyaient et entraient en Gaule et Aetius tentait de les rassembler afin de constituer une grande armée à opposer aux hordes d’Attila.
Je ne croyais pas au succès de notre ambassade.
L’empereur d’Orient voulait seulement convaincre Attila de se répandre en Gaule, le détournant ainsi de l’Orient.
J’assistais à ces marchandages.
On livrait à Attila les Huns qui s’étaient réfugiés à Constantinople.
J’ai vu ainsi deux jeunes princes de sang royal être remis en territoire romain aux Huns.
Et sous mes yeux, Attila, en quelques mots rauques, donnait l’ordre de les sacrifier.
Il inaugurait ainsi son règne, terrorisant son peuple. La panique gagnait l’Empire romain d’Occident, où seul − m’apprenait un courrier − Aetius était décidé à résister.
Il suffisait que je regarde autour de moi pour savoir quel serait le prix de cette guerre.
Les territoires que nous traversions avaient été conquis par les Huns : les villes n’étaient plus qu’un amas de décombres, la plaine était parsemée d’ossements humains blanchis au soleil et à la pluie.
Sur les rives du Danube, je vis des centaines de barques empilées les unes sur les autres.
Elles étaient faites d’un seul tronc d’arbre creusé mais elles étaient si nombreuses que toute l’armée d’Attila pouvait avec elles traverser le fleuve.
Dans les villages, nous découvrions des femmes qui avaient été pendues à des arbres, mais un Grec nous expliqua que nombre d’entre elles avaient choisi de mourir plutôt que de subir le sort − viol, esclavage − que leur réservaient les Huns.
Ce Grec ne paraissait pas ému de ce qu’il avait vu.
« Je me suis fait hun, me confiait-il, j’ai épousé une femme barbare qui m’a donné des enfants ; je suis commensal d’Oreste, le premier secrétaire d’Attila, et à tout prendre ma condition actuelle me paraît préférable à ma condition passée. »
Tout à coup, ses yeux s’étaient remplis de larmes :
« Vous, Romains, vous n’avez pas cette dureté, murmurait-il, vos lois garantissent la vie de l’esclave contre les sévices du maître ; elles lui assurent la jouissance de son pécule, et elles l’élèvent par l’affranchissement à la condition d’homme libre, tandis qu’ici pour la moindre faute c’est la mort qui menace. »
Brusquement, cet homme m’a tourné le dos, et s’est éloigné à grands pas comme s’il avait craint d’être surpris à converser avec un Romain.
Je ne l’ai plus revu.
Il m’a semblé entendre la voix de Galla Placidia Augusta lire le message qu’elle m’avait adressé :
« N’oublie jamais que nous sommes romains, Priscus. »
L’étions-nous encore ?
Nous laissions exécuter − martyriser − des hommes qui avaient accepté de nous servir.
J’ai vu ainsi crucifier un transfuge, surpris près de la frontière, et accusé d’être venu espionner pour le compte des Romains.
Un peu plus loin, j’ai vu deux captifs romains qui s’étaient enfuis après avoir tué leur maître hun. On les ramenait pieds et poings liés, et devant nous, ambassadeurs de Rome, on cloua ces malheureux à un poteau et on leur enfonça dans la gorge un pieu aigu.
Il fallait que l’Empire romain n’inspire plus de crainte pour que les Huns traitent ainsi des alliés ou des citoyens de Rome.
Quelques jours plus tard, je vis notre interprète, Vigilas, jeté à terre devant Attila.
J’appris que le roi des Huns savait avant même le départ de notre ambassade que Vigilas avait pour mission de transporter cent livres d’or afin de payer l’homme qui assassinerait Attila.
Vigilas démasqué et craignant qu’on ne tue son fils, qui faisait partie de notre ambassade, hurlait : « Ne tuez pas
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