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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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moment, Maud lui murmura : « J’irai prendre
le thé chez la duchesse. »
    Walter contempla son dos si
élégant avec un sourire. Il avait vu Maud la veille et devait la retrouver le
lendemain, mais il avait été terrifié à l’idée de ne pas la voir aujourd’hui.
Était-il vraiment incapable de vivre vingt-quatre heures sans elle ? Il ne
se considérait pas comme un homme faible, pourtant elle l’avait bel et bien ensorcelé,
sans qu’il ait le moindre déSir de lui échapper.
    C’était son indépendance d’esprit
qui l’attirait le plus. La plupart des femmes de sa génération se contentaient
apparemment du rôle passif que leur allouait la société, prenant soin de leur
toilette, organisant des réceptions et obéissant à leur mari. Ces créatures
serviles ne lui inspiraient qu’ennui. Maud était plus proche des femmes qu’il
avait pu rencontrer en Amérique, à l’occasion d’une brève mission à l’ambassade
d’Allemagne à Washington. Elles étaient élégantes et charmantes sans être
soumises. Être aimé d’une telle femme, voilà qui était diablement excitant.
    Il descendit Piccadilly d’un pas
allègre et s’arrêta devant un kiosque à journaux. La lecture de la presse
britannique n’était jamais réjouissante : la plupart des quotidiens
étaient violemment germanophobes, notamment ce torchon de Daily Mail. À
les en croire, Albion était cernée par les espions allemands. Si seulement c’était
vrai ! Walter disposait bien d’une douzaine d’agents dans les villes
côtières, dont la mission était de noter les allées et venues des navires, ce
que les Britanniques faisaient aussi en Allemagne, mais on était loin des
milliers d’espions évoqués par des éditorialistes hystériques.
    Il acheta The People. Les
troubles dans les Balkans n’y faisaient pas les gros titres : on s’inquiétait
davantage de l’Irlande. La minorité protestante y tenait les rênes du pouvoir
depuis des siècles, ne manifestant que mépris pour les aspirations de la
majorité catholique. Si l’Irlande obtenait l’indépendance, la situation serait
inversée. Les deux parties étaient lourdement armées et la guerre civile
menaçait.
    Il ne trouva en première page qu’un
entrefilet sur la « crise austro-serbe ». Comme d’habitude, les
journaux n’avaient aucune idée des réalités du moment.
    Walter entrait à l’hôtel Ritz
quand Robert sauta d’un taxi. Il avait mis un gilet et une cravate noirs en
signe de deuil. Robert faisait partie des proches de François-Ferdinand – des
progressistes aux yeux de la cour viennoise, des conservateurs pour le reste du
monde. Il aimait et respectait le défunt et sa famille, Walter ne l’ignorait
pas.
    Laissant leur haut-de-forme au
vestiaire, ils gagnèrent le restaurant ensemble. Robert éveillait en Walter des
sentiments protecteurs. Depuis leur plus tendre enfance, il savait que son
cousin était différent. Les hommes comme lui étaient qualifiés d’efféminés,
mais le terme manquait de subtilité. Robert n’avait rien d’une femme dans un
corps d’homme. Il possédait cependant un certain nombre de traits féminins, ce
qui incitait Walter à le traiter avec une discrète galanterie.
    Il ressemblait à Walter, avec ses
yeux noisette et ses traits réguliers, malgré ses cheveux plus longs, sa
moustache cirée et recourbée. « Comment ça se passe avec Lady M. ? »
demanda-t-il alors qu’ils prenaient place. Walter s’était confié à lui. Robert
connaissait tout des amours clandestines.
    « Elle est merveilleuse,
mais mon père ne la supporte pas depuis qu’il l’a vue travailler dans un
dispensaire en compagnie d’un médecin juif.
    — Fichtre, il n’est pas
tendre, commenta Robert. Je comprendrais son objection si elle-même était
juive.
    — J’espérais qu’il s’adoucirait
peu à peu, à force de la croiser à des réceptions et de constater qu’elle
connaît certains des hommes les plus puissants de ce pays, mais ça n’a pas été
le cas.
    — Malheureusement, la crise
des Balkans ne fera qu’accroître la tension dans le domaine, pardonne-moi, des
relations internationales. »
    Walter se força à rire. « Quoi
qu’il arrive, tout finira par s’arranger. »
    Robert ne dit rien, mais il
semblait sceptique.
    Tout en dégustant de l’agneau
gallois accompagné de pommes de terre et d’une sauce au persil, Walter transmit
à Robert les informations peu concluantes qu’il tenait

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