La Chute Des Géants: Le Siècle
choquante. Maud
remarqua que Walter était aussi bouleversé qu’elle.
Il se déshabilla machinalement,
comme s’il l’avait fait des années durant en sa présence. « Nous partons
demain », dit-il. Il retira son caleçon et elle vit que son sexe au repos
était petit et fripé. « Je dois être à dix heures à la gare de Liverpool
Street, avec tous mes bagages. » Puis il éteignit la lumière électrique
avant de la rejoindre dans le lit.
Ils restèrent allongés côte à
côte, sans se toucher, et, durant un instant de terreur, Maud crut qu’il allait
s’endormir comme une masse, mais il se tourna vers elle, la prit dans ses bras
et l’embrassa sur la bouche. Elle sentit le déSir s’éveiller en elle,
comme si toutes leurs épreuves la poussaient à l’aimer avec l’énergie du
désespoir. Le membre de Walter s’allongea et durcit contre son ventre. Quelques
instants plus tard, il se couchait sur elle. Comme auparavant, il prit appui
sur le bras gauche et la caressa de la main droite. Comme auparavant, son sexe
érigé appuya contre ses lèvres. Comme auparavant, cela lui fit mal… mais un
instant seulement. Cette fois, il glissa en elle.
Une dernière résistance, et elle
perdit sa virginité ; soudain, il était tout entier en elle et ils étaient
unis dans la plus vieille étreinte du monde.
« Oh ! Dieu merci ! »
souffla-t-elle. Le soulagement fit place au délice ; elle se mit à bouger
en cadence avec lui, heureuse, et enfin ils firent l’amour.
Deuxième partie La guerre des géants
XII.
Août 1914
1.
Le jour où l’on afficha des ordres
de mobilisation sur tous les murs de Saint-Pétersbourg, Katerina, catastrophée,
éclata en sanglots dans la chambre de Grigori : « Mais qu’est-ce que
je vais faire ? Mais qu’est-ce que je vais faire ? » gémit-elle
en se passant les doigts dans ses longs cheveux blonds, affolée.
Il avait envie de la prendre dans
ses bras, de chasser ses larmes sous les baisers et de lui jurer de ne jamais
la quitter. Mais il ne pouvait lui faire cette promesse. De toute façon, c’était
son frère qu’elle aimait.
Grigori, qui avait accompli son
service militaire, était réserviste et donc en théorie apte au combat. En fait,
on l’avait surtout formé à marcher au pas et à construire des routes.
Néanmoins, il s’attendait à faire partie des premiers appelés.
Cela le rendait fou de rage.
Cette guerre était aussi stupide, aussi vaine que toutes les initiatives du
tsar Nicolas II. Un meurtre était perpétré en Bosnie et, un mois plus
tard, la Russie était en guerre contre l’Allemagne ! Des milliers de
paysans et de prolétaires des deux camps allaient se faire tuer, pour rien. Aux
yeux de Grigori et de tous ceux qu’il connaissait, cela prouvait que la
noblesse russe était trop bornée pour gouverner.
Même s’il lui survivait, la
guerre ruinerait tous ses projets. Il économisait pour se payer un nouveau
billet pour l’Amérique. Avec le salaire qu’il touchait chez Poutilov, il devait
y parvenir en deux ou trois ans, mais avec une solde de l’armée, il lui
faudrait une éternité. Combien d’années encore allait-il devoir endurer l’injustice
et la brutalité du régime tsariste ?
Le sort de Katerina l’inquiétait
plus encore. Que deviendrait-elle s’il partait à la guerre ? Elle partageait
une chambre avec trois autres filles de la pension et travaillait chez
Poutilov, emballant des cartouches dans des boîtes en carton ; à la
naissance du bébé, elle devrait quitter son emploi, au moins pour un temps. Si
Grigori n’était pas là, comment gagnerait-elle de quoi vivre avec un enfant sur
les bras ? Il savait à quoi se résignaient les filles de la campagne
échouées à Saint-Pétersbourg lorsqu’elles arrivaient à la dernière extrémité.
Pourvu qu’elle ne soit pas obligée de vendre son corps !
À sa grande surprise, il ne fut
convoqué ni le premier jour ni même la première semaine. À en croire les
journaux, on avait mobilisé deux millions et demi de réservistes le 31 juillet,
mais c’était probablement une fausse rumeur. Il était impossible de rassembler
autant d’hommes, de leur trouver un uniforme et de les acheminer au front en un
seul jour, voire en un mois. Ils seraient appelés sous les drapeaux par
groupes, tôt ou tard.
Aux premiers jours de chaleur du
mois d’août, Grigori se prit à croire qu’on l’avait oublié. Si seulement !
L’armée était une des
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