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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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oui.
    — Il a dû se dire qu’il
fallait avoir beaucoup de talent pour arriver à maintenir à flot un journal
anarchiste.
    — Il m’a engagée parce que j’ai
plus de couilles que deux de ses journalistes hommes réunis. »
    Rosa aimait choquer. Gus, qui ne
l’ignorait pas, en resta pourtant bouche bée.
    Elle éclata de rire. « Mais
c’est quand même moi qu’il envoie couvrir les expositions d’art et les défilés
de mode. Et ce travail à la Maison-Blanche, c’est comment ? demanda-t-elle
en sautant du coq à l’âne.
    — Passionnant, répondit Gus,
conscient que ses propos pouvaient être rapportés dans le journal de Rosa. Je
trouve que Wilson est un grand président. Peut-être le meilleur que nous ayons
jamais eu.
    — Comment pouvez-vous dire
une chose pareille ? Il est à deux doigts de nous engager dans un conflit
européen. »
    Cette opinion était largement
répandue dans la population d’origine germanique qui considérait évidemment les
choses du point de vue allemand ; elle l’était également parmi les gens de
gauche qui rêvaient, eux, de la défaite du tsar. Et elle ralliait aussi une
foule de gens qui n’étaient ni allemands ni de gauche. Gus prit soin de peser
ses paroles : « Quand les sous-marins allemands assassinent des
citoyens américains, le président ne peut pas… » Il faillit dire « fermer
les yeux  », hésita, rougit et conclut : « … ne peut pas
ignorer les faits. »
    Elle n’avait apparemment pas
relevé son embarras. « En revanche, quand les Anglais font le blocus des
ports allemands en violation de tous les traités internationaux, condamnant
ainsi des civils allemands, femmes et enfants, à mourir de faim, ça, Wilson
peut l’ignorer ! Et pendant ce temps, en France, la guerre est dans l’impasse :
ces six derniers mois, le front n’a bougé que de quelques mètres. Les Allemands
sont bien obligés de couler les navires anglais : s’ils ne le font pas,
ils perdront la guerre. »
    Elle avait une façon d’appréhender
les problèmes dans toute leur complexité qui impressionnait Gus. Voilà pourquoi
il avait toujours plaiSir à discuter avec elle. « J’ai étudié le
droit international, répliqua-t-il. À proprement parler, les Anglais ne sont
pas dans l’illégalité. La déclaration de Londres de 1909 interdit effectivement
le blocus maritime, mais elle n’a jamais été ratifiée. »
    Rosa ne se laissa pas démonter
par cet argument facile. « Laissons la loi de côté. Les Allemands avaient
prévenu les Américains et leur avaient déconseillé de voyager à bord de navires
britanniques. Ils avaient même publié des encarts dans les journaux, que diable !
Que pouvaient-ils faire de plus ? Imaginez que nous ayons été en guerre
contre le Mexique et que le Lusitania, bâtiment mexicain, ait transporté
des armes destinées à tuer nos soldats américains. Ne l’aurions-nous pas coulé ? »
    La question était pertinente. N’ayant
pas d’objection rationnelle à lui opposer, Gus répondit : « Ma foi,
le secrétaire d’État Bryan était de votre avis. » William Jennings Bryan
avait démissionné à la suite de la note de Wilson aux Allemands. « Selon
lui, la seule chose à faire était d’avertir les Américains pour les dissuader
de voyager sur les bateaux des nations belligérantes. »
    Mais Rosa n’avait pas l’intention
de le laisser s’en sortir par une pirouette. « Wilson a pris là un très
gros risque, dit-elle, et Bryan l’a bien compris. Si les Allemands campent sur
leurs positions, je ne vois pas comment nous pourrons éviter la guerre. »
    Gus ne pouvait admettre devant
une journaliste qu’il partageait ces craintes. Wilson avait réclamé du
gouvernement allemand qu’il désavoue les attaques perpétrées contre des navires
de la marine marchande, qu’il verse des réparations et veille à ce qu’un tel
événement ne se reproduise pas – autrement dit, que l’Allemagne abandonne
le contrôle des mers aux Anglais et accepte que sa propre flotte reste à quai,
prisonnière du blocus. Il était difficile d’imaginer qu’un gouvernement
quelconque puisse se plier à de telles exigences. « En tout cas, l’opinion
publique suit le président, reprit Gus.
    — L’opinion publique peut se
tromper.
    — Mais Wilson ne peut pas
aller contre la volonté du pays. Il est sur la corde raide, vous le savez bien.
Il veut maintenir l’Amérique hors du conflit sans donner pour

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