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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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beaux discours. Pourquoi faut-il que je me fourre
toujours dans le pétrin ? se lamenta-t-il intérieurement.
    L’entrepôt était rempli de pneus
neufs entassés en piles de quinze ou vingt. Ils le firent avancer le long des
rangées jusqu’à une porte gardée par un autre malabar qui tendit le bras pour
leur barrer le passage.
    Pas un mot ne fut échangé.
    Au bout d’une minute, Lev lança :
« Puisqu’on est là à poireauter, quelqu’un n’aurait pas un jeu de cartes ? »
    Personne ne sourit.
    La porte s’ouvrit enfin et Nick
Forman en sortit. Il avait la lèvre supérieure tuméfiée et un œil fermé. En
apercevant Lev, il bredouilla : « J’ai pas pu faire autrement. Ils m’auraient
tué. »
    C’était donc par Nick qu’ils l’avaient
retrouvé.
    Un homme malingre à lunettes s’avança
sur le pas de la porte. « Fais-le entrer, Théo. »
    Ce gringalet ne pouvait pas être
Vialov, pensa Lev. Le chef des gros bras répondit : «Tout de suite,
monsieur Niall. »
    Le bureau rappela à Lev l’isba de
son enfance : une pièce surchauffée, saturée de fumée où, dans un coin,
des icônes trônaient sur une petite étagère.
    Un homme d’âge moyen à la carrure
imposante était assis derrière un bureau métallique. Vêtu d’un costume élégant,
avec faux col et cravate, il fumait. Deux bagues étincelaient aux doigts de la
main qui tenait sa cigarette.
    « Qu’est-ce qui pue comme ça ?
    — C’est du vomi, monsieur
V., excusez-nous, expliqua Théo. Il a résisté et on a dû le calmer un peu. Il a
dégueulé son repas.
    — Lâchez-le. »
    Les sbires obtempérèrent, sans s’éloigner.
    Mr V. dévisagea Lev. « On m’a
transmis ton message. À propos de politesse. »
    Lev rassembla son courage. Quitte
à mourir, que ce ne soit pas en pleurnichant.
    « Vous êtes Josef Vialov ?
    — Alors ça, tu manques pas
de culot, toi ! Me demander qui je suis !
    — Justement, je vous
cherchais.
    — Toi, tu me cherchais ?
    — À Saint-Pétersbourg, les
Vialov m’ont vendu mon billet pour New York. Et puis ils m’ont débarqué à
Cardiff.
    — Et alors ?
    — Je veux récupérer mon
fric. »
    Vialov le regarda fixement un
long moment, avant d’éclater de rire. « Je n’y peux rien, tu me plais. »
    Lev retint son souffle. Cela
voulait-il dire que, finalement, Vialov n’allait pas le tuer ?
    « Tu as du travail ?
demanda Vialov.
    — Je bosse pour vous.
    — Où ça ?
    — À l’hôtel
Saint-Pétersbourg, aux écuries. »
    Vialov hocha la tête. « Je
crois qu’on peut te trouver mieux. »
    2.
    En juin 1915, l’Amérique franchit
un pas de plus sur le chemin de la guerre.
    Gus Dewar était consterné. Pour
lui, ce conflit concernait l’Europe, et les États-Unis n’avaient pas à y
prendre part. La population américaine partageait ce sentiment, le président
Woodrow Wilson aussi. Et pourtant, le danger se précisait de plus en plus.
    La crise avait éclaté en mai,
quand une torpille lancée par un sous-marin allemand avait coulé le Lusitania, un navire anglais transportant cent soixante-treize tonnes de
fusils, de munitions et de shrapnels, ainsi que deux mille passagers, dont cent
vingt-huit citoyens américains.
    Les Américains en avaient été
indignés. La presse ne mâchait pas ses mots pour exprimer sa colère. Dans le
Bureau ovale, en s’adressant au président, Gus s’était écrié avec véhémence :
« Ils veulent que vous vous montriez plus ferme vis-à-vis des Allemands
sans compromettre la paix pour autant ! »
    Wilson avait acquiescé d’un signe
de tête. Levant les yeux de sa machine à écrire, il avait déclaré : « Aucune
loi n’oblige l’opinion publique à être cohérente. »
    Si Gus avait admiré la sérénité
de son patron, il n’en avait pas moins été un peu agacé. « Bon sang, qu’allez-vous
faire ? »
    Wilson avait souri, révélant ses
dents gâtées. « Quelqu’un vous aurait-il dit que la politique est une
sinécure, Gus ? »
    Finalement, Wilson avait adressé
une note sévère au gouvernement allemand, exigeant l’arrêt immédiat des
agressions navales. Le président et ses conseillers, Gus compris, espéraient
que les Allemands accepteraient un compromis. Mais s’ils poursuivaient leurs
provocations, Wilson parviendrait-il à éviter l’escalade ? Gus ne voyait
pas comment. Dans ce jeu périlleux, il se découvrait incapable de conserver le
même détachement que le

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