La Chute Des Géants: Le Siècle
juger la vôtre. Et
pourquoi ? Il arrive que des épouses d’officiers s’enivrent, vous savez.
— Ou commettent l’adultère,
ajouta Ethel.
— C’est le comble ! s’exclama
Mrs Hargreaves. Je ne permettrai pas qu’on m’insulte !
— Jayne McCulley non plus »,
répliqua Ethel.
Maud poursuivit : « L’homme
que vous avez aperçu en compagnie de Mrs McCulley était son frère. Revenu
de France pour une permission de deux jours seulement. Elle voulait qu’il
prenne un peu de bon temps avant de repartir dans les tranchées. Voilà pourquoi
elle l’a emmené au pub et au music-hall. »
Mrs Hargreaves en resta
interdite mais se reprit rapidement. « Elle aurait dû me l’expliquer quand
je l’ai interrogée, dit-elle d’un ton provocant. Maintenant, je vous demanderai
de bien vouloir quitter les lieux.
— À présent, vous savez la
vérité, et je vous fais confiance pour approuver la requête de Mrs McCulley.
— Nous verrons.
— J’insiste pour que vous le
fassiez tout de suite, ici même.
— C’est impossible.
— Nous ne partirons pas
avant d’avoir obtenu satisfaction.
— Dans ce cas, j’appellerai
la police.
— Fort bien. »
Mrs Hargreaves se retira.
Ethel se tourna vers le
journaliste muet d’admiration. « Où est votre photographe ?
— Il attend dehors. »
Quelques minutes plus tard, un
robuste agent de police fit son apparition. « Allez, allez, mesdames.
Retirez-vous gentiment, s’il vous plaît, sans faire de scandale. »
Maud s’avança d’un pas. « Je
refuse de quitter les lieux. Cela n’engage que moi.
— Et vous êtes madame…
— Lady Maud
Fitzherbert. Si vous voulez que je sorte, il faudra me porter.
— Puisque vous insistez ! »
Sur ces mots, le policier la saisit à bras-le-corps.
Le photographe prit un cliché du
couple au moment où ils franchissaient la porte de l’immeuble.
4.
«Tu n’as pas peur ? demanda
Mildred.
— Si, un peu », avoua
Billy.
Avec Mildred au moins, il pouvait
parler. De toute façon, elle semblait tout savoir de lui. Évidemment, cela
faisait près de deux ans qu’elle vivait avec sa sœur, et les jeunes femmes se
disaient tout. Il y avait autre chose pourtant qui le mettait à l’aise avec
Mildred. Les filles d’Aberowen cherchaient toujours à impressionner les
garçons, à dire des choses pour les épater et à se faire belles devant la
glace. Mildred, elle, se contentait d’être elle-même. Il lui arrivait de tenir
des propos scandaleux, et cela faisait rire Billy. Il avait le sentiment de
pouvoir lui parler de tout.
Et puis elle était tellement
séduisante ! Il n’en revenait pas. Ce qui le fascinait n’était pas tant
ses cheveux blonds et bouclés ou ses yeux bleus que son insouciance. S’y
ajoutait leur différence d’âge. Mildred avait vingt-trois ans, il n’en avait
même pas dix-huit. Elle avait l’air d’avoir une sacrée expérience tout en s’intéressant
sincèrement à lui, ce qui était terriblement flatteur. Il la regarda
amoureusement, espérant avoir l’occasion de lui parler seul à seule. Oserait-il
frôler sa main, passer le bras autour de sa taille, l’embrasser ?
Ils étaient chez sa sœur, assis
tous les quatre dans la cuisine, autour de la table carrée : Billy, Tommy,
Ethel et Mildred. Il faisait doux ce soir-là, et la porte qui donnait sur la
cour arrière était ouverte. Les deux petites filles de Mildred jouaient par
terre avec Lloyd, sur le dallage. Enid et Lillian avaient respectivement trois
et quatre ans, mais Billy n’était pas encore capable de les distinguer l’une de
l’autre. Les femmes n’ayant pas voulu sortir à cause des enfants, il était allé
avec Tommy chercher des bouteilles de bière au pub.
« Tout va bien se passer,
lui dit Mildred. Tu as été bien formé.
— Oui. » Billy n’était
pas très confiant dans l’entraînement qu’il avait suivi et qui s’était
largement limité à de longues marches, à des saluts et à l’apprentissage du
maniement de la baïonnette. Il n’avait pas l’impression d’avoir appris à
survivre.
« Si tous les Allemands se
transforment en poupées de chiffon ficelées à des poteaux, nous saurons les
transpercer avec nos baïonnettes c’est sûr, ironisa Tommy.
— Vous savez quand même vous
servir d’un fusil, non ? »
Pendant un temps, ils s’étaient
exercés avec des fusils rouillés et cassés estampillés A.E. – arme
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