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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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d’Aldgate de l’Association de secours aux familles de soldats et de
marins.
    Avant guerre, cette œuvre de
bienfaisance permettait aux dames fortunées de dispenser gracieusement
assistance et conseils aux épouses de soldats dans le besoin. Elle jouait
désormais un rôle nouveau. Le gouvernement versait en effet une livre et un
shilling à toute épouse de soldat, mère de deux enfants, séparée de son mari
par la guerre. Ce n’était pas beaucoup – à peu près la moitié de ce que
gagnait un mineur –, mais c’était suffisant pour arracher des millions de femmes
et d’enfants à une misère noire. L’Association de secours aux familles de
soldats et de marins était chargée d’assurer le versement de cette allocation.
    À une condition toutefois :
seules les femmes dites de « bonne moralité » y avaient droit et il arrivait
à des dames patronnesses de refuser cette somme à des mères de famille, sous
prétexte qu’elles n’écoutaient pas leurs avis sur l’éducation des enfants et la
tenue du ménage ou s’obstinaient à fréquenter les music-halls et à boire du
gin.
    Certes, ces malheureuses feraient
mieux de ne pas boire, estimait Maud. Pour autant, cela n’autorisait personne à
les condamner à la misère. Elle enrageait de voir ces dames aisées, issues des
classes moyennes, juger les femmes de soldats et les priver des moyens de
nourrir leurs enfants. Si les femmes avaient le droit de vote, le Parlement n’autoriserait
pas de tels abus, elle en était convaincue.
    Ethel était accompagnée d’une
bonne dizaine d’ouvrières et de Bernie Leckwith, secrétaire de la section
locale du parti travailliste indépendant. Le parti approuvait le journal de
Maud et soutenait ses campagnes.
    Au moment où Maud rejoignit le
groupe sur le trottoir, Ethel parlait à un jeune homme muni d’un carnet. « L’allocation
de séparation n’est pas un cadeau offert aux épouses de soldats par pure bonté
d’âme, disait-elle, c’est un droit. Vous-même, vous oblige-t-on à passer un
examen de moralité avant de vous verser votre salaire de journaliste ?
Demande-t-on à Mr Asquith combien de verres de madère il a bus avant de l’autoriser
à percevoir son traitement de député ? Ces femmes ont droit à cet argent
exactement comme si c’était un salaire. »
    Ethel savait trouver les mots
justes, pense Maud. Elle s’exprimait avec simplicité et clarté. Peut-être
tenait-elle ce talent de son père prédicateur.
    Le journaliste la dévorait des
yeux, sans dissimuler son admiration. Il avait presque l’air d’en être
amoureux, et ce fut d’un ton contrit qu’il reprit : « Vos adversaires
prétendent qu’une femme infidèle à son mari soldat ne devrait pas toucher cette
aide.
    — Et les maris ?
répliqua Ethel, indignée. Si je ne me trompe, il existe des maisons de mauvaise
réputation en France, en Mésopotamie et dans bien d’autres endroits où nos
hommes sont stationnés. L’armée tient-elle une liste des soldats mariés qui
fréquentent ces lieux ? Les prive-t-elle de leur solde ? L’adultère
est un péché, mais ce n’est pas une raison pour enfoncer la pécheresse dans la
misère et laisser ses enfants mourir de faim. »
    Ethel portait son petit garçon
sur la hanche. Lloyd avait seize mois et marchait déjà, mais il n’était pas
encore très solide sur ses jambes. Avec ses cheveux bruns et ses yeux verts, il
était aussi beau que sa mère. Maud lui tendit les mains et Lloyd se blottit
dans ses bras avec bonheur. Elle en éprouva un pincement de nostalgie,
regrettant, malgré tous les problèmes qui en auraient résulté, de ne pas être
tombée enceinte après son unique nuit avec Walter.
    Elle n’avait aucune nouvelle de
son mari depuis Noël 1914. Était-il mort, était-il vivant ? Peut-être
était-elle veuve sans le savoir ? Elle essayait de ne pas y penser mais,
parfois, de sombres pensées la submergeaient aux moments les plus inattendus,
et elle avait du mal à refouler ses larmes.
    Quand Ethel eut fini de charmer
le journaliste, elle présenta à Maud une jeune femme qui avait deux enfants
accrochés à ses jupes. « Voici Jayne McCulley, dont je vous ai parlé. »
Jayne avait un joli visage et l’air résolu.
    Maud lui serra la main. «« J’espère
que nous obtiendrons justice pour vous aujourd’hui, madame McCulley.
    — Très aimable à vous, m’dame.
Vraiment, m’dame. » Les marques de déférence avaient la vie dure,

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