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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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avait d'abord été fiancée au frère aîné de George, Albert, mais celui-ci
était mort de pneumonie avant leurs noces. En devenant l'héritier de la
couronne, George avait repris la fiancée de son frère, un arrangement jugé
quelque peu médiéval par certains.
    Bea était dans son élément. Très
séduisante dans sa robe de soie rose, ses boucles blondes artistement coiffées
en un très léger désordre donnant l'impression qu'elle venait de s'arracher à
un baiser illicite, elle était engagée dans une conversation animée avec le
roi. Sentant que George V n'appréciait guère les conversations à bâtons
rompus, elle se livrait à un exposé sur la création de la marine russe sous
Pierre le Grand, et il hochait la tête, visiblement intéressé.
    Peel surgit à la porte de la
salle à manger, une expression d'expectative sur son visage constellé de taches
de rousseur. Croisant le regard du comte, il lui fit un signe de tête éloquent.
    Fitz s'adressa à la reine :
« Votre Majesté daignerait-elle nous faire l'honneur de passer à
table ? »
    Elle lui donna le bras. Derrière
eux, le roi avait pris celui de Bea et le reste des invités se regroupèrent en
couples dans l'ordre des préséances. Quand tout le monde fut prêt, ils
entrèrent en cortège dans la salle à manger.
    « Comme c'est joli, murmura
la reine en voyant la table.
    — Merci », dit Fitz,
secrètement soulagé. Bea s'était surpassée. Trois lustres bas éclairaient la
longue table. Leurs reflets faisaient étinceler les verres en cristal disposés
devant chaque place. Tous les couverts étaient d'or, à l'image des salières et
des poivriers et jusqu'aux petites boîtes d'allumettes prévues pour les
fumeurs. La nappe immaculée était parsemée de roses de serre et, pour ajouter
une ultime touche d'éclat, Bea avait décoré les luminaires de délicates
fougères qui retombaient jusqu'aux pyramides de raisin dressées sur des
plateaux dorés.
    Tout le monde s'assit, l'évêque
dit le bénédicité et Fitz se détendit. Une réception qui commençait bien se
poursuivait presque toujours avec succès. Le vin et la bonne chère tendaient à
émousser l'esprit critique.
    Le repas s'ouvrit sur des hors-d'œuvre russes , en hommage au pays natal de Bea : des petits
blinis couverts de caviar et de crème, des toasts découpés en triangles et
garnis de poisson fumé, des canapés au hareng mariné, le tout arrosé de
Perrier-Jouët 1892, aussi moelleux et fruité que l'avait laissé entendre
Peel. Fitz gardait un œil sur ce dernier, lequel ne quittait pas le roi du
regard. Dès que Sa Majesté reposa ses couverts, Peel lui retira son assiette,
donnant ainsi l'ordre aux valets de pied de débarrasser. La déférence exigeait
que les invités qui n'avaient pas encore terminé cessent immédiatement de
manger.
    Le menu se poursuivait par une
soupe, un pot-au-feu , servi avec un subtil xérès oloroso sec de
Sanlúcar de Barrameda, avant un plat de poisson, de la sole, accompagnée d'un
Meursault-Charmes d'une grande maturité, opulent comme une gorgée d'or. Avec
les médaillons d'agneau gallois, Fitz avait choisi un Château-Lafite 1875 – le
1870 n'étant pas encore prêt à être bu. On continua au vin rouge pour le
parfait de foie d'oie et pour le dernier plat de viande, des croustades de
cailles aux raisins.
    Personne ne mangeait pareille
quantité de nourriture. Les hommes choisissaient ce qui leur plaisait et
ignoraient lereste.
    Les femmes picoraient. De
nombreux plats retournaient à la cuisine intacts.
    On servit ensuite de la salade,
un dessert, un entremets, des fruits et des petits-fours. La Princesse Bea
leva enfin un sourcil discret en direction de la reine, qui lui répondit par un
signe de tête presque imperceptible. Elles se levèrent alors toutes les deux,
tous les convives en firent autant et les dames se retirèrent.
    Une fois que les hommes se furent
rassis, les valets de pied apportèrent des boîtes de cigares et Peel disposa
une carafe de porto Ferreira 1847 à la droite du roi. Fitz inhala la fumée
de son cigare avec soulagement. Tout s'était bien passé. Le roi était
notoirement un homme assez peu sociable, qui ne se sentait vraiment à l'aise
qu'avec ses vieux compagnons du temps béni de la marine. Ce soir, pourtant, il
s'était montré charmant et la soirée s'était déroulée sans anicroche. Les
oranges elles-mêmes avaient été livrées à temps.
    Avant le repas, Fitz s'était
entretenu

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