La Chute Des Géants: Le Siècle
rapprochent de lui. De leur position
élevée, les Allemands risquaient de voir tout l’arrière du trou.
Son fusil calé contre le rebord,
il avait les yeux rivés sur la mitrailleuse. Au bout d’un moment, les Allemands
se remirent à tirer. Quand ils s’arrêtèrent, Billy prit la relève. Pourvu que
Tommy coure assez vite ! pensa-t-il et il s’aperçut qu’il s’inquiétait
plus pour lui que pour son escouade. Il stabilisa son fusil et tira à
intervalles d’environ cinq secondes. Peu lui importait que ses coups de feu ne touchent
personne. Ce qui comptait, c’était que les Allemands baissent la tête aussi
longtemps que Tommy courrait.
Son fusil émit un cliquetis. Le
chargeur était vide. Au même instant, Tommy se laissait tomber près de lui.
« Saloperie de merde !
lâcha Tommy. On va devoir refaire ça combien de fois ?
— Seulement deux, j’espère,
dit Billy en rechargeant son arme. À ce moment-là, on sera assez près pour leur
balancer nos Mills… ou alors, bordel de merde, on sera tous crevés.
— Pas de gros mots, Billy, s’il
te plaît, répliqua Tommy d’un air sévère. Tu sais que j’aime pas ça. »
Billy émit un petit rire qui l’étonna
lui-même. Je suis planqué dans un trou d’obus avec l’armée allemande qui me
tire dessus et je me marre ! pensa-t-il. Dieu ait pitié de moi !
Ils procédèrent de la même façon
pour gagner le cratère suivant. La distance à parcourir était plus longue et,
cette fois, ils perdirent un homme : Joey Ponti touché à la tête pendant
qu’il courait. George Barrow le souleva et le porta, mais il était déjà mort,
le crâne transpercé. Billy se demanda où était son petit frère, Johnny. Il ne l’avait
pas vu depuis qu’ils avaient quitté la tranchée de rassemblement. Ce sera à moi
de lui apprendre la nouvelle, pensa-t-il. Johnny vouait une adoration sans
borne à son frère.
Il y avait déjà des morts dans ce
cratère : trois soldats en kaki flottaient dans une eau couverte d’écume.
Ils faisaient sans doute partie de la première vague d’assaut. Billy ne
comprenait pas comment ils étaient parvenus à aller aussi loin. Peut-être
avaient-ils simplement eu de la chance. Quand les mitrailleuses balayaient le
terrain, elles ne pouvaient pas faucher d’un coup tous les soldats qui s’y
trouvaient. Mais le mouvement de retour leur était fatal.
D’autres groupes d’Anglais se
rapprochaient des lignes allemandes en suivant la même tactique. Ils avaient
imité l’escouade de Billy ou bien, ce qui était plus probable, leur caporal
avait tenu le même raisonnement et décidé de renoncer à l’idée ridicule de
charger en ligne comme l’ordonnaient les officiers pour élaborer une tactique
plus raisonnable. Le résultat était que les Allemands n’avaient plus l’entière
maîtrise des événements. Essuyant eux-mêmes des tirs, ils n’étaient plus en
mesure de soutenir leur cadence implacable. Ce fut peut-être ce qui permit au
groupe de Billy d’atteindre le dernier trou d’obus sans nouvelle perte.
En fait, son escouade avait même
gagné un homme. Un parfait inconnu était allongé à côté de Billy. « D’où
est-ce que tu sors, toi ? s’étonna celui-ci.
— J’ai perdu mon groupe,
répondit l’autre. Tu as l’air de savoir ce que tu fais, alors je t’ai suivi. Ça
ne te dérange pas, j’espère ? »
Il avait un drôle d’accent,
canadien peut-être, se dit Billy. « Tu es bon lanceur ? lui
demanda-t-il.
— Au lycée, j’étais dans l’équipe
de baseball.
— Bon. Quand je te le dirai,
essaye de toucher le nid de mitrailleuse avec ta grenade. »
S’adressant à Grêlé Llewellyn et
à Alun Pritchard, Billy leur ordonna de balancer leurs grenades pendant que le
reste de l’escouade les couvrirait. Cette fois encore, le groupe attendit que
la mitrailleuse cesse de tirer. « Maintenant ! » hurla Billy, et
il se leva.
Quelques coups de feu furent
tirés depuis la tranchée allemande. Grêlé et Alun, terrifiés par les balles,
lancèrent leur grenade n’importe comment. Aucune n’atteignit la tranchée qui
courait à cinquante mètres d’eux ; elles explosèrent sans causer le
moindre dégât. Billy jura. La mitrailleuse, intacte, reprit aussitôt du
service, évidemment. Une minute plus tard, Grêlé se tordait atrocement sous une
avalanche de balles.
Billy était étrangement calme. Il
prit une seconde pour viser soigneusement et ramena son bras
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