La Chute Des Géants: Le Siècle
chose dans l’héroïsme des soldats !
pensa Ethel avec aigreur. Maldwyn Morgan, Parti-pour-Merthyr, était là, avec
son épouse, mais ils avaient une bonne raison, eux, d’assister à la cérémonie
puisque leur fils Roland était mort.
Puis elle aperçut Fitz.
Elle ne le reconnut pas tout de
suite. Elle vit d’abord la Princesse Bea, en robe et en chapeau noirs, suivie
d’une gouvernante qui portait dans ses bras le jeune viComte d’Aberowen,
un petit garçon du même âge que Lloyd. La princesse était accompagnée d’un
homme qui se déplaçait avec des béquilles. Il avait la jambe gauche dans le
plâtre ; le bandage qui recouvrait la moitié de sa tête dissimulait son
œil gauche. Il fallut un long moment à Ethel pour comprendre que c’était Fitz.
Elle ne put retenir un cri.
« Qu’est-ce qui se passe ?
demanda Mam.
— Tu as vu le Comte ?
— C’est lui ? Mince
alors, le pauvre homme. »
Ethel ne pouvait en détacher les
yeux. Si sa cruauté avait eu raison de son amour, elle était encore incapable
de regarder avec indifférence ce visage bandé qu’elle avait si souvent
embrassé, ce grand corps solide affreusement mutilé aujourd’hui qu’elle avait
si tendrement caressé. Pour un homme aussi vaniteux que Fitz – et, de tous
ses défauts, c’était sans doute le plus excusable –, l’humiliation qu’il
devait éprouver aujourd’hui en se voyant dans le miroir était certainement plus
douloureuse encore que ses blessures.
« Je me demande pourquoi il
n’est pas resté chez lui, dit Mam. Les gens auraient compris. »
Ethel secoua la tête. « Il
est trop fier pour ça. C’est lui qui a conduit ces hommes à la mort, il se
devait de venir.
— Tu le connais bien !
laissa tomber Mam et, au regard qu’elle lui lança, Ethel se demanda si elle
soupçonnait la vérité. Moi, je crois qu’il veut surtout montrer au peuple que
la haute société souffre aussi. »
Ethel hocha la tête. Mam avait
raison. Fitz était arrogant et tyrannique, mais, paradoxalement, il souhaitait
ardemment mériter le respect des gens du peuple.
Un jeune homme de petite taille
dans un costume impeccable s’approcha d’elle. C’était Dai Côtelette, le fils du
boucher.
« Ça me fait drôlement plaisir de
te revoir à Aberowen. »
Elle se tourna vers lui. « Comment
vas-tu, Dai ?
— Très bien, merci. On donne
un nouveau film de Charlie Chaplin à partir de demain. Tu aimes Chaplin ?
— Je n’ai pas le temps d’aller
au cinéma, tu sais.
— Tu pourrais laisser ton
petit à ta Mam demain soir et venir avec moi ? »
Un jour, Dai avait glissé la main
sous sa jupe, au Palace Cinéma de Cardiff. Cinq années s’étaient écoulées
depuis mais, à l’éclat de son regard, Ethel devina qu’il n’avait rien oublié de
cette scène. Elle répondit fermement : « Non merci, Dai. »
Il ne se laissa pas rebuter aussi
facilement. « Je travaille à la mine maintenant, mais c’est moi qui serai
à la tête du magasin quand mon Da prendra sa retraite.
— Tu te débrouilleras très
bien, j’en suis sûre.
— Tu sais, il y a des gars
qui ne poseraient même pas les yeux sur une fille qui a un gosse, mais je ne
suis pas comme ça. »
C’était un peu condescendant,
mais Ethel décida de ne pas en prendre ombrage. « Au revoir, Dai. C’était
vraiment gentil de ta part de m’inviter. »
Il lui sourit tristement. « Tu
es toujours la plus jolie fille que j’aie jamais rencontrée. » Il porta la
main à sa casquette et s’éloigna.
Mam réagit avec indignation :
« Qu’est-ce qui ne te plaît pas chez lui ? Il te faut un mari, et c’est
un beau parti ! »
Ce qui ne lui plaisait pas chez
Dai Côtelette ? Sa petite taille, mais il est vrai que son charme
compensait largement ce défaut. Il avait un bel avenir et voulait bien s’occuper
d’un enfant qui n’était pas de lui. Ethel se demanda pourquoi elle avait refusé
de l’accompagner au cinéma. Pensait-elle toujours, au fond de son cœur, qu’elle
valait mieux que les gens d’Aberowen ?
Une rangée de chaises avait été
disposée au pied de l’estrade à l’intention des notables. Fitz et Bea y prirent
place à côté de Perceval Jones et de Maldwyn Morgan, et l’office commença.
Ethel croyait vaguement aux
principes du christianisme. Il devait bien y avoir un Dieu, mais il était
certainement plus raisonnable que son père ne le croyait. La violente hostilité
de Da contre
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