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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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Chaque jour, de
nouveaux jeunes gens se font massacrer. » Dans la foule, quelques voix
protestèrent mais elles furent noyées sous les cris d’approbation. Da tendit le
bras pour réclamer le silence. « Je ne blâme personne en particulier, je
dis seulement ceci : il n’est pas juste que des hommes se fassent tuer
alors qu’on leur a refusé le droit de décider de faire ou de ne pas faire la
guerre. »
    Le pasteur fit un pas en avant,
pour tenter de l’interrompre ; Perceval Jones essaya sans succès de se
hisser sur l’estrade.
    Mais Da avait presque terminé. « Si
jamais on nous demande encore de partir à la guerre, que ce ne soit plus sans
le consentement du peuple tout entier.
    — Des femmes comme des
hommes ! » hurla Ethel, dont la voix se perdit sous les acclamations
des mineurs.
    À présent, plusieurs hommes
indignés cherchaient à faire taire Da, mais sa voix continuait à couvrir le
brouhaha. « Plus jamais nous ne ferons la guerre sur l’injonction d’une
minorité ! Jamais ! Jamais ! Jamais ! »
    Il s’assit sous un tonnerre d’applaudissements.

XIX.
Juillet-octobre 1916
    1.
    Kovel était un nœud ferroviaire
situé dans une région de la Russie qui avait autrefois appartenu à la Pologne,
à proximité de l’ancienne frontière avec l’Autriche-Hongrie. L’armée russe
avait pris position sur les rives du Stokhod, à trente kilomètres à l’est de la
ville. Sur des centaines de kilomètres carrés, cette contrée n’était que
marécages entrecoupés de sentiers. Ayant trouvé une étendue de terre plus
sèche, Grigori donna ordre à sa section de dresser le camp. Ils n’avaient pas
de tentes : le commandant Azov les avait toutes vendues trois mois plus
tôt à une usine de confection de Pinsk, expliquant aux hommes qu’ils n’en
avaient pas besoin en été, et qu’ils seraient tous morts avant l’hiver.
    Par miracle, Grigori était
toujours vivant. Il était sergent et son ami Isaak caporal. Les rares
survivants du contingent de 1914 avaient pour la plupart été promus
sous-officiers. Le bataillon de Grigori avait été décimé, transféré, renforcé
et à nouveau décimé. Il avait été envoyé dans tout le pays, sans jamais revenir
dans sa ville d’origine.
    Grigori avait tué beaucoup d’hommes
ces deux dernières années, au fusil, à la baïonnette ou à la grenade, le plus
souvent d’assez près pour les voir mourir. Certains de ses camarades en avaient
des cauchemars la nuit, surtout les plus instruits. Ce n’était pas son cas. Il
avait vu le jour dans un village paysan où la brutalité était monnaie courante
et avait dû, dès son enfance, se débrouiller seul dans les rues de
Saint-Pétersbourg : la violence ne troublait pas son sommeil.
    Ce qui le choquait, en revanche,
c’était la stupidité, l’insensibilité et la corruption des officiers. Vivre et
combattre aux côtés de représentants de la classe dirigeante avait fait de lui
un révolutionnaire.
    Il devait rester en vie. Sinon,
qui prendrait soin de Katerina ?
    Il lui écrivait régulièrement et
elle lui envoyait de temps en temps une lettre, d’une écriture appliquée d’écolière,
bourrée de fautes et de ratures. Il gardait toutes ses missives, soigneusement
rangées dans sa musette, et les relisait quand il restait trop longtemps sans
nouvelles.
    Dans la première, elle lui avait
annoncé qu’elle avait accouché d’un garçon, Vladimir, qui avait maintenant
dix-huit mois. C’était le fils de Lev. Grigori aurait tant voulu le voir !
Il se souvenait très bien de son frère bébé, quand il n’avait pas encore de
dents. Vladimir avait-il le même sourire irrésistible ? Il devait avoir
quelques quenottes, à présent, et même marcher, prononcer ses premiers mots.
Grigori aurait bien aimé que l’enfant apprenne à dire oncle Gricha.
    Il pensait souvent à la nuit où
Katerina était venue le rejoindre dans son lit. Dans ses songes, il modifiait
parfois le cours des événements : au lieu de la chasser, il la prenait
dans ses bras, embrassait sa bouche pulpeuse et lui faisait l’amour. En
réalité, il savait bien que le cœur de la jeune femme appartenait à son frère.
    Grigori n’avait aucune nouvelle
de Lev, parti pour l’Amérique depuis plus de deux ans, et il craignait qu’il ne
lui soit arrivé quelque chose de grave. Lev avait le chic pour se retrouver
dans de sales draps. Mais en général, il s’en sortait toujours. Il avait de

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