La Chute Des Géants: Le Siècle
entre Gus et Maud. Fitz, qui aimait
beaucoup sa sœur, commençait à s’inquiéter. Voulait-elle vraiment finir vieille
fille ?
Quand il eut réussi à arracher
Gus à son interlocuteur, il mit le sujet du Mexique sur le tapis.
« C’est un sacré gâchis,
commenta Gus. Dans l’espoir de contenter le président mexicain, Wilson a
rappelé le général Pershing et ses troupes, mais ça n’a servi à rien :
Carranza ne veut même pas entendre parler de maintien de l’ordre sur la
frontière. Mais dites-moi, en quoi cette question vous intéresse-t-elle ?
— Je vous le dirai tout à l’heure.
Le prochain combat va commencer. »
Tout en regardant Benny le Yid
marteler le crâne d’Albert Collins le Chauve, Fitz décida de ne pas évoquer la
proposition de paix allemande. Il savait que Gus, navré de l’échec de l’initiative
de Wilson, ne cessait de se demander s’il n’aurait pas pu mieux s’y prendre, ou
se démener davantage, pour faire aboutir le projet de son président. Fitz,
quant à lui, considérait ce plan d’emblée voué à l’échec, pour la simple raison
qu’aucun des camps ne voulait sincèrement la paix.
Au troisième round, Albert le
Chauve s’écroula et ne se releva pas.
« Vous m’avez attrapé au bon
moment, dit Gus. Je suis sur le point de rentrer chez moi.
— Vous vous en réjouissez ?
— Je m’en réjouirai si j’arrive
à bon port. Je peux très bien être coulé par un sous-marin au cours de la
traversée. »
Les Allemands avaient déclenché
leur guerre sous-marine à outrance le 1 er février, à la date
exacte indiquée dans le message de Zimmermann. Les Américains étaient furieux,
moins pourtant que Fitz ne l’avait espéré. « Le président Wilson a réagi
bien mollement à l’annonce des Allemands, fit-il remarquer.
— Vous ne pouvez pas dire ça :
il a rompu les relations diplomatiques entre nos deux pays.
— Mais il n’a pas déclaré la
guerre », répliqua Fitz, qui en avait été effondré, quoiqu’il ait
violemment combattu l’idée de pourparlers de paix. Cependant Maud, Ethel et
leurs amis pacifistes avaient raison d’affirmer qu’il n’y avait aucun espoir de
victoire dans un avenir prévisible – sans aide extérieure. Fitz avait été
convaincu que la guerre sous-marine à outrance entraînerait les Américains dans
le conflit. Pour le moment, ce n’était pas le cas.
« Franchement, reprit Gus,
je pense que la décision allemande a mis le président Wilson hors de lui et qu’après
avoir tout fait pour l’éviter, il est prêt maintenant à déclarer la guerre. Le
problème est qu’il a été réélu parce qu’il nous en a préservés. Pour pouvoir
changer son fusil d’épaule, il faudrait qu’il soit porté par une vague d’enthousiasme
populaire.
— Dans ce cas, dit Fitz, j’ai
quelque chose qui pourrait l’aider. »
Gus leva un sourcil intrigué.
« Depuis que j’ai été
rapatrié à cause de mes blessures, expliqua Fitz, je travaille dans un service
chargé de décoder les messages allemands que nous interceptons. » Il
sortit de sa poche une feuille couverte de son écriture. « Ce texte sera
officiellement transmis à votre gouvernement dans les jours qui viennent. Je
vous le montre d’ores et déjà parce que nous avons besoin d’un conseil sur la
façon d’aborder cette affaire. » Il tendit le papier à Gus.
L’espion britannique en place à
Mexico avait mis la main sur le message transmis par câble en utilisant l’ancien
code. Le document que Fitz venait de remettre à Gus était un décryptage complet
du billet de Zimmermann intercepté antérieurement :
De Washington au Mexique,
19 janvier 1917.
Nous prévoyons de commencer la
guerre sous-marine à outrance le 1 er février. Malgré tout, nous
ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour forcer les États-Unis à conserver
leur neutralité. En cas d’échec, nous présenterons au Mexique une proposition d’alliance
selon les conditions suivantes :
— Faire la guerre
ensemble.
— Faire la paix ensemble.
— De notre part, soutien
financier généreux et promesse que le Mexique reconquerra ses territoires
perdus du Texas, du Nouveau-Mexique et de l’Arizona. Le règlement des détails
est laissé à votre appréciation.
Vous informerez le président
de ce qui précède dans le plus grand secret, dès que l’entrée en guerre des
États-Unis sera certaine. Vous ajouterez, sous forme de suggestion,
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