La Chute Des Géants: Le Siècle
auraient pu passer ensemble dans ce petit nid d’amour, il
éprouvait une douleur aiguë dans la poitrine.
Il avait heureusement une
consolation. Bea avait pris sa réprimande au sérieux. Elle l’accueillait
dorénavant dans sa chambre dans de charmants déshabillés et lui offrait son
corps parfumé comme aux premiers jours de leur mariage. Finalement, c’était une
aristocrate bien élevée, qui n’ignorait rien des devoirs d’une épouse.
Laissant son esprit voguer de l’obligeante
princesse à l’irrésistible activiste, il atteignit l’Amirauté. Un télégramme
partiellement décodé l’attendait sur son bureau.
Il avait pour en-tête : « De
Berlin à Washington. W.158. 16 janvier 1917. » Par automatisme, Fitz
chercha la signature au bas du document : « Zimmermann. »
Son intérêt en fut piqué. C’était
un message du ministre allemand des Affaires étrangères adressé à son
ambassadeur aux États-Unis. Fitz en rédigea une traduction au crayon,
remplaçant les groupes de mots encore chiffrés par des croix et des points d’interrogation.
Hautement confidentiel, à l’attention
personnelle de Votre Excellence et destiné au ministre impérial au ( ?
Mexique ?) avec xxxx par itinéraire sûr.
Les points d’interrogation
indiquaient un ensemble de mots codés dont la signification demeurait
incertaine et que les spécialistes du chiffre avaient cherché à deviner. S’ils
ne se trompaient pas, ce message était destiné à l’ambassadeur d’Allemagne au
Mexique. Il lui était simplement envoyé par l’intermédiaire de l’ambassade
allemande à Washington.
Le Mexique, tiens, tiens ! s’étonna
Fitz.
La phrase suivante avait été
entièrement décryptée.
Nous proposons de commencer la
guerre sous-marine à outrance le 1 février.
« Mon Dieu ! » s’écria
Fitz tout haut. Voilà que ce télégramme ne se bornait pas à confirmer le
bien-fondé de leurs pires craintes, mais annonçait la date de mise à exécution
de cette menace. Au bureau 40, la nouvelle allait faire l’effet d’une bombe.
Parallèlement, nous devrons
tout faire pour que l’Amérique conserve sa neutralité xxxx. En cas d’échec,
nous proposons au ( ? Mexique ?) une alliance sur cette base :
conduite de la guerre, conclusion de la paix.
Une alliance avec le Mexique ?
réfléchit Fitz. C’est du sérieux. Les Américains vont être fous de rage !
Pour l’heure, Votre Excellence
devrait informer en secret le président xxx guerre avec les États-Unis xxxx et
en même temps négocier entre nous et le Japon xxxx nos sous-marins
contraindront l’Angleterre à accepter la paix d’ici à quelques mois. Accuser
réception.
Levant les yeux, Fitz croisa le
regard du jeune Carver qui bouillait visiblement d’excitation. « Vous êtes
en train de lire le message de Zimmermann, c’est ça ?
— En effet », répondit
Fitz calmement. Il était aussi euphorique que Carver, mais savait mieux le
cacher. « Pourquoi y a-t-il autant de mots manquants dans la transcription ?
— Le message est écrit dans
un nouveau code que nous n’avons pas encore fini de décrypter. Il n’empêche, l’affaire
est grave, n’est-ce pas ?»
Grave ? Carver ne croyait
pas si bien dire ! pensa Fitz en reposant les yeux sur sa page. Ce texte
ressemblait fort à une tentative de l’Allemagne pour obtenir l’alliance du Mexique
contre les États-Unis. Ça allait faire sensation !
La nouvelle pourrait irriter le
président américain au point de le décider enfin à déclarer la guerre à l’Allemagne.
Le pouls de Fitz se mit à battre
plus vite. « Je vais de ce pas transmettre ce message à Clignoteur Hall. »
Le capitaine William Reginald Hall, directeur des services de renseignements de
la marine, souffrait d’un tic facial qui n’affectait en rien ses facultés
mentales, mais lui avait valu ce surnom. « Il va me poser des questions, et
il faut que je puisse lui répondre : à votre avis, quand pouvons-nous
espérer avoir un texte entièrement déchiffré ?
— Il va nous falloir
plusieurs semaines. »
Fitz émit un grognement d’exaspération.
Le décryptage de nouveaux codes à partir de leurs principes de base était un
travail de longue haleine, qui ne pouvait en aucun cas être précipité.
« Cependant, reprit Carver,
je vois que Washington doit transmettre ce message au Mexique. Sur cette
voie-là, ils utilisent toujours un vieux code diplomatique que nous
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