La Chute Des Géants: Le Siècle
du
moment. « Je l’espère, répondit Walter, en s’efforçant de ne pas regarder
la poitrine de Monika. Si nous pouvions transférer en France la totalité des
troupes que nous maintenons sur le front est, les Alliés ne feraient pas le
poids. »
Elle souleva sa coupe et regarda
Walter droit dans les yeux au-dessus du verre. « Eh bien, buvons à cela »,
dit-elle.
*
Dans une tranchée froide et humide
du nord-est de la France, la section de Billy célébrait la nouvelle avec du
gin.
La bouteille avait été fournie
par Robin Mortimer, l’officier dégradé, accompagnée de ces mots : « Je
la gardais précieusement.
— J’en suis sur le cul ! »
s’était écrié Billy, reprenant une des expressions chères à Mildred. Mortimer
était plus connu pour quémander un verre que pour offrir une tournée.
Mortimer remplit généreusement
les quarts en fer-blanc. « À la révolution, nom de Dieu ! »
dit-il. Ils vidèrent leurs quarts d’un trait et en redemandèrent.
Billy n’avait pas besoin de gin
pour être d’excellente humeur. Les Russes venaient de prouver qu’il était
encore possible de renverser des tyrans.
Ils chantaient tous « The
Red Flag », l’hymne du parti travailliste, quand le comte Fitzherbert
arriva dans leur tranchée en boitant, faisant gicler la boue sous ses pas. Il
était colonel à présent, et plus arrogant que jamais. « Silence, soldats ! »
cria-t-il.
Le chant s’éteignit peu à peu.
« Nous fêtons le
renversement du tsar de Russie ! expliqua Billy.
— C’était un monarque
légitime, répliqua Fitz avec colère. Ceux qui l’ont déposé sont des criminels.
Plus de chansons ! »
Le mépris de Billy pour Fitz
monta d’un cran. « C’est un tyran qui a assassiné des milliers de ses
sujets. Aujourd’hui, tous les hommes civilisés se réjouissent. »
Fitz le dévisagea durement. Le
comte ne portait plus de bandeau sur l’œil gauche, mais sa paupière restait
mi-close en permanence. Cela ne paraissait toutefois pas affecter sa vision. « Sergent
Williams, j’aurais dû m’en douter ! Je vous connais – et votre
famille aussi. »
Et comment, pensa Billy.
« Votre sœur fait de la
propagande pour la paix.
— Avec la vôtre, mon colonel »,
répliqua Billy. Robin Mortimer partit d’un rire éraillé qui s’arrêta net.
« Une insolence de plus et
je vous mets aux arrêts, dit Fitz à Billy.
— Je vous demande pardon,
mon colonel.
— Maintenant calmez-vous,
tous autant que vous êtes. Et plus de chants. » Fitz s’éloigna.
« Vive la révolution ! »
dit Billy tout bas.
Fitz fit semblant de ne pas avoir
entendu.
*
À Londres, la princesse Bea poussa
un hurlement : « Non !
— Calmez-vous, dit Maud, qui
venait de lui apprendre la nouvelle.
— Ils ne peuvent pas faire
ça ! criait Bea. Ils ne peuvent pas forcer notre tsar bien-aimé à abdiquer !
C’est le père du peuple…
— Peut-être cela vaut-il
mieux…
— Je ne vous crois pas !
Vous mentez ! »
La porte s’ouvrit et Grout passa
la tête dans l’embrasure, l’air inquiet.
Bea attrapa un vase japonais contenant
un bouquet de fleurs séchées et le lança à travers la pièce. Il se fracassa
contre un mur.
Maud tapota l’épaule de Bea. « Là,
là », fit-elle, impuissante. Elle se réjouissait que le tsar ait été
renversé mais, en même temps, elle compatissait avec ceux qui voyaient
disparaître tout un mode de vie.
Grout fit signe à une bonne, qui
entra, apeurée. Il désigna le vase de l’index. La domestique entreprit de
ramasser les débris.
Le service à thé posé sur une
table vola à son tour. Tasses, soucoupes, théières, pots à lait et à crème,
sucrier, Bea avait tout balayé de la main. « Ces révolutionnaires tueront
tout le monde ! »
Le maître d’hôtel s’agenouilla et
se mit en demeure de tout nettoyer.
« Ne vous emportez pas »,
dit Maud.
Bea fondit en larmes. « Pauvre tsaritsal Et ses pauvres enfants ! Que vont-ils devenir ?
— Vous devriez peut-être
vous allonger un moment, proposa Maud. Venez, je vais vous accompagner dans
votre chambre. » Elle prit Bea par le coude, et celle-ci se laissa
entraîner.
« C’est la fin de tout,
dit-elle entre ses sanglots.
— Qu’importe ! répliqua
Maud. C’est peut-être un nouveau départ. »
*
Ethel et Bernie se trouvaient à Aberowen.
C’était en quelque sorte leur voyage de noces. Ethel se réjouissait de
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