La Chute Des Géants: Le Siècle
mauvais,
remarqua-t-il.
— Là où tu es, peut-être,
mais ce n'est sans doute pas le cas plus loin à l'intérieur.
— Tu as raison. » Billy
raccrocha.
Il répéta à Tommy et Pat ce que
son père avait dit. Pat désigna du doigt une rangée de casiers flambant neufs.
« La clé doit être à l'intérieur du bureau. »
Billy se précipita dans la pièce
des sous-directeurs, mais n'aperçut pas l'ombre d'une clé. Quelqu'un devait les
garder à sa ceinture. Il se retourna vers la rangée de casiers en fer-blanc,
tous étiquetés « Appareil respiratoire ». « Tu as un levier, Pa ? »
L'encageur possédait une trousse
à outils pour les petites réparations. Il tendit à Billy un solide tournevis.
Billy força le premier casier.
Il était vide.
Billy, incrédule, n'arrivait pas
à en détacher ses yeux.
Pat s'écria : « Ils se
sont fichus de nous !
— Salauds de capitalistes »,
renchérit Tommy.
Billy ouvrit un deuxième casier.
Vide lui aussi. Il fractura les autres avec une colère brutale, bien décidé à
dénoncer l'ignominie de Celtic Minerais et de Perceval Jones.
« On s'en passera», dit
Tommy.
Il était impatient d'agir, mais
Billy tenait à bien réfléchir. Son regard se posa sur un wagonnet. C'était le
pitoyable substitut de pompe à incendie fourni par la direction : une
berline à charbon remplie d'eau, sur laquelle on avait fixé une pompe à main.
Le dispositif n'était pas totalement inutile : Billy l'avait vu
fonctionner après ce que les mineurs appelaient un « flash », la
petite explosion qui se produisait quand une faible quantité de grisou proche
du plafond de la galerie s'embrasait brièvement, obligeant tout le monde à se
jeter au sol. Il arrivait que ce flash mette le feu à la poussière de charbon
accumulée contre les parois de la galerie. Il fallait alors les arroser.
« On va prendre la berline à
incendie », cria-t-il à Tommy.
Elle était déjà sur les rails et,
à deux, ils arrivèrent à la pousser. Billy envisagea un instant d'y harnacher
un cheval puis se ravisa : cela prendrait trop de temps, d'autant plus que
les bêtes étaient affolées.
« Mon Micky travaille dans
le secteur de Marigold, intervint Pat Pape, mais je ne peux pas aller le
chercher, je dois l'attendre ici. » Il était visiblement au désespoir :
en cas d'urgence, l'encageur devait rester près du puits – la règle était
inflexible.
« Je vais ouvrir l'œil,
promit Billy.
— Merci, Billy boy. »
Les deux garçons continuèrent à
pousser la berline sur la voie principale. Les bennes n'avaient pas de freins :
on les ralentissait en coinçant un solide morceau de bois dans les rayons. Bien
des morts et d'innombrables blessures étaient dues à des berlines emballées.
« Pas trop vite », fit Billy.
Ils n'avaient pas parcouru cinq
cents mètres à l'intérieur de la galerie que déjà la température s'éleva, la
fumée s'épaissit. Bientôt, ils entendirent des voix. En se guidant au bruit,
ils s'engagèrent dans une galerie latérale. Cette partie de la veine était
actuellement en exploitation. De part et d'autre, Billy pouvait voir, à
intervalles réguliers, les entrées des postes de travail des mineurs, qu'on
appelait les « ateliers ». Lorsque le bruit s'intensifia, ils
cessèrent de pousser la berline et regardèrent devant eux.
La galerie était en feu. Des
flammes s'élevaient des parois et du sol. Une poignée d'hommes étaient tout
près du brasier, leurs silhouettes se profilant contre la lueur rouge comme
celles d'âmes damnées. L'un tenait une couverture dont il frappait vainement un
tas de bois en feu. D'autres criaient ; personne n'écoutait. Au loin, à
peine visible, on distinguait un convoi de berlines. La fumée était chargée
d'une étrange odeur de viande rôtie ; Billy se rendit compte avec un
haut-le-cœur qu'elle provenait sans doute du cheval qui avait tiré les berlines.
Il s'adressa à l'un des hommes :
« Que se passe-t-il ?
— Il y a des types coincés
dans leurs ateliers. On ne peut pas les atteindre. »
C'était Rhys Price. Billy ne
s'étonna plus qu'aucune mesure efficace ne soit prise. « Nous avons
apporté la berline d'incendie », dit-il.
Quelqu'un d'autre se tourna vers
lui et il découvrit avec soulagement John Jones l'Épicerie, un homme de bon
sens. « Tu es un bon gars ! dit Jones. Amène le tuyau par ici, tu
veux ? »
Billy tira le tuyau pendant que
Tommy branchait la pompe.
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