La Chute Des Géants: Le Siècle
divertissements prévus pour
l'après-midi furent annulés. Fitz craignait que le roi ne lui en tienne
rigueur, quand bien même il était parfaitement étranger au fonctionnement de la
mine. Il n'était ni administrateur ni actionnaire de Celtic Minerais. Il ne
faisait que concéder les droits miniers à la société d'exploitation, qui lui
versait une redevance par tonne de charbon. Personne ne pouvait raisonnablement
lui reprocher ce qui s'était passé. Toutefois, l'aristocratie ne pouvait pas se
livrer ostensiblement à des activités frivoles alors que des hommes étaient
prisonniers sous terre, surtout lors d'une visite du roi et de la reine.
Autrement dit, lire et fumer étaient à peu de chose près les seules occupations
acceptables. Le couple royal allait s'ennuyer, c'était certain.
Fitz était furieux. Des hommes
mouraient tout le temps : des soldats étaient tués au combat, des marins
sombraient avec leurs bateaux, il y avait des accidents de train, des incendies
ravageaient des hôtels remplis de clients endormis. Pourquoi fallait-il qu'une
catastrophe minière se produise au moment précis où il recevait le roi ?
Peu avant le dîner, Perceval
Jones, maire d'Aberowen et président de Celtic Minerals, se présenta au château
pour informer le Comte des événements et Fitz demanda à Sir Alan Tite
si le roi souhaitait entendre son rapport. En effet, Sa Majesté en avait
exprimé le vœu, lui répondit-on, et Fitz fut soulagé : au moins le
monarque aurait quelque chose à faire.
Les hommes se rassemblèrent dans
le petit salon, une pièce très simple meublée de fauteuils rembourrés, de
palmiers en pots et d'un piano. Jones portait la queue-de-pie noire qu'il avait
dû endosser pour aller au temple ce matin. Dans son gilet gris croisé, ce petit
homme suffisant ressemblait à un oiseau gonflant son jabot.
Le roi était en tenue de soirée.
« Très aimable à vous d'être venu, dit-il sèchement.
— J'ai eu l'honneur de
serrer la main de Votre Majesté en 1911, répondit Jones, quand Votre Majesté
est venue à Cardiff pour l'investiture du Prince de Galles.
— Je suis heureux de
renouveler notre relation, mais suis désolé que cela se produise dans des
circonstances aussi affligeantes, renchérit le roi. Racontez-moi ce qui s'est
passé avec simplicité, comme si vous l'expliquiez à l'un de vos directeurs devant
un verre, à votre cercle. »
Le conseil était judicieux,
songea Fitz, il donnait le ton juste – bien que personne n'ait offert à
boire à Jones et que le roi ne l'ait pas invité à s'asseoir.
« Je remercie Votre Majesté
de cette bonté. » Jones parlait avec l'accent de Cardiff, plus rude que
les intonations chantantes des vallées. « Il y avait deux cent vingt
hommes dans la mine au moment de l'explosion, moins que d'ordinaire car il
s'agit d'un poste du dimanche.
— Vous connaissez le nombre
exact de mineurs ? s'étonna le roi.
— Oh oui, Votre Majesté,
nous notons le nom de tous ceux qui descendent.
— Pardonnez cette
interruption. Poursuivez, je vous prie.
— Les deux puits ont été
endommagés, mais les équipes de lutte contre l'incendie ont maîtrisé les
flammes grâce à notre système d'arrosage, et elles ont évacué les hommes. »
Il regarda sa montre. « Il y a deux heures, on en avait remonté deux cent
quinze.
— Il semble que vous ayez
fait face à cette catastrophe avec une remarquable efficacité, Jones.
— Je vous remercie infiniment,
Majesté.
— Les deux cent quinze
hommes sont-ils vivants ?
— Non, Majesté. Huit sont
morts. Cinquante autres ont été assez grièvement blessés pour réclamer des
soins médicaux.
— Vraiment ? Quelle
tristesse. »
Tandis que Jones exposait les
mesures prises pour localiser et essayer de sauver les cinq hommes encore
manquants, Peel se glissa furtivement dans la pièce et s'approcha de Fitz. Le
majordome était en habit, prêt à servir le dîner. Il murmura : « Dans
l'éventualité où cela pourrait intéresser monsieur le comte…
— Eh bien ? chuchota
Fitz.
— Williams, la domestique,
vient de rentrer de la mine. On dit que son frère se serait conduit en héros.
Le roi souhaiterait-il entendre ce récit de sa propre bouche?… »
Fitz réfléchit un instant.
Williams serait émue et risquait de parler à tort et à travers. En
contrepartie, le roi serait sans doute satisfait de s'entretenir avec quelqu'un
qui avait été directement touché par la
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