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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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pièces de musée hors d’usage, qui n’avaient
qu’une fonction décorative. Il demanda à Isaak de se débrouiller pour trouver
des pièces d’artillerie en état de marche.
    Il retourna aussitôt à l’institut
Smolni pour avertir Trotski que son plan avait pris du retard. Le garde de
faction à la porte lui dit : « Quelqu’un te cherchait tout à l’heure,
camarade. Une histoire de sage-femme.
    — Je n’ai pas le temps. »
    Les événements s’enchaînaient
très vite. Grigori apprit que les gardes rouges s’étaient emparés du palais
Marinski et avaient dispersé le préparlement sans effusion de sang. Les
bolcheviks incarcérés avaient été libérés. Trotski avait ordonné à toutes les
troupes stationnées hors de Petrograd de ne pas intervenir. Les soldats avaient
décidé de lui obéir, au mépris des instructions de leurs officiers. Lénine
était en train de rédiger un manifeste qui débutait par ces mots : « Aux
citoyens de Russie : le gouvernement provisoire a été renversé ! »
    « Mais l’assaut n’a pas
commencé, annonça Grigori à Trotski d’un air désespéré. Je ne vois pas comment
l’opération pourra être terminée avant trois heures.
    — Ne t’en fais pas, lui dit
Trotski. Il n’y a qu’à retarder l’ouverture du congrès. »
    Grigori regagna l’esplanade du
palais d’Hiver. À deux heures, il vit enfin le mouilleur de mines Amour°- du nom du fleuve russe – s’engager dans la Neva avec des milliers de
marins de Cronstadt sur le pont, tandis que les ouvriers de Petrograd s’alignaient
sur les berges pour les acclamer.
    Grigori se dit que si Kerenski
avait songé à truffer l’étroit chenal de mines, il aurait pu empêcher les
marins d’entrer en ville et faire échouer la révolution. Mais c’est sans
encombre que les marins en caban noir commencèrent à débarquer, fusil à l’épaule.
Grigori s’apprêta à les déployer autour du palais d’Hiver.
    Néanmoins le plan se heurtait
sans cesse à de nouveaux obstacles, au grand désarroi de Grigori. Isaak trouva
quelques canons et les fit mettre en place au prix d’immenses efforts avant de
s’apercevoir qu’il n’avait pas d’obus. Pendant ce temps-là, les troupes
loyalistes du palais dressaient des barricades.
    Au comble de l’exaspération,
Grigori repartit pour l’institut Smolni.
    Une réunion d’urgence du soviet
de Petrograd allait s’ouvrir. Des centaines de délégués se pressaient dans le
vaste vestibule de l’école de filles, peint en blanc virginal. Grigori monta
sur l’estrade et s’assit à côté de Trotski, qui s’apprêtait à ouvrir la séance.
    « L’attaque a été retardée
en raison d’une série de problèmes », lui dit-il.
    Trotski accueillit cette mauvaise
nouvelle avec calme. Lénine aurait piqué une crise. « Quand pourrez-vous
prendre le palais ? demanda Trotski.
    — Soyons réalistes : à
six heures ce soir. »
    Trotski hocha la tête sans se
démonter et s’adressa à l’assemblée. « Au nom du comité militaire
révolutionnaire, je déclare que le gouvernement provisoire n’existe plus »,
lança-t-il d’une voix sonore.
    Un tonnerre d’applaudissements et
de vivats lui répondit. Pourvu que je puisse transformer ce mensonge en vérité,
songea Grigori.
    Quand le tumulte s’apaisa,
Trotski énuméra les exploits des gardes rouges : la prise, pendant la
nuit, des gares et d’autres sites clés, et la dispersion du préparlement. Il
annonça également l’arrestation de plusieurs ministres. « Le palais d’Hiver
n’est pas encore pris, mais son sort va se jouer d’un moment à l’autre ! »
Les acclamations redoublèrent.
    Un dissident protesta : « Vous
anticipez la volonté du congrès des soviets ! »
    C’était un argument de démocrate
modéré, que Grigori lui-même aurait avancé, avant de devenir réaliste.
    La réponse de Trotski fut
immédiate : il avait dû prévoir cette critique. « La volonté du
congrès a déjà été anticipée par le soulèvement des ouvriers et des soldats. »
    Un murmure parcourut soudain la
salle. Des gens se levaient. Grigori se tourna vers la porte, intrigué. Il vit
Lénine s’avancer. Les délégués commencèrent à l’acclamer. Au moment où Lénine
monta sur l’estrade, le vacarme était assourdissant. Trotski et lui se tenaient
côte à côte, souriants, répondant aux ovations par des hochements de tête, face
à la foule qui célébrait un coup d’État

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