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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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tergiverser pendant que les Russes mourraient au combat
sur le front, et de faim chez eux.
    « Ce qui ne les empêche pas
de s’en prendre à nous », ajouta Lénine.
    Grigori écouta l’orateur du
moment, un homme qu’il ne connaissait pas.
    « Ce congrès a été réuni
pour parler du nouveau gouvernement et qu’en est-il ? disait-il d’un ton
hargneux. Certains irresponsables ont entrepris de prendre le pouvoir,
anticipant la décision du congrès ! Nous devons sauver la révolution de
cette entreprise insensée. »
    Ces paroles soulevèrent une
tempête de protestations de la part des délégués bolcheviques. Grigori entendit
Lénine pester : « Porc ! Fumier ! Traître ! »
    Kamenev réclama le silence.
    Le discours suivant était tout
aussi hostile aux bolcheviks et à leur coup d’État, et d’autres interventions
de la même veine lui succédèrent. Lev Khintchouk, un menchevik, demanda des
négociations avec le gouvernement provisoire. Le tumulte indigné qui s’ensuivit
fut tel qu’il dut s’interrompre pendant plusieurs minutes. Finalement, hurlant
pour couvrir le vacarme, il annonça : « Nous quittons le congrès ! »
Et il sortit de la salle.
    Grigori avait compris leur
tactique : ils affirmeraient que le congrès n’avait plus aucun pouvoir
après leur départ.
    « Déserteurs ! »
lança une voix. Le cri fut repris par l’assistance.
    Grigori était consterné. Ils
avaient tant attendu ce rassemblement. Les délégués incarnaient la volonté du
peuple russe. Et voilà que tout s’écroulait.
    Il regarda Lénine. À son grand
étonnement, il vit que ses yeux brillaient de plaisir. « C’est
merveilleux, murmura-t-il. Nous sommes sauvés ! Je n’aurais jamais cru qu’ils
feraient une erreur pareille. »
    Grigori n’y comprenait rien.
Lénine avait-il perdu la tête ?
    L’orateur suivant était Mikhaïl
Gendelman, un membre éminent du Parti socialiste révolutionnaire. « Prenant
acte de la prise de pouvoir par les bolcheviks qu’il tient pour responsables de
cette action criminelle et insensée, et se trouvant de ce fait dans l’impossibilité
de collaborer avec eux, le groupe socialiste révolutionnaire quitte le congrès ! »
    Il sortit, avec tous ses
partisans dans son sillage, sous les huées, les sifflets et les quolibets des
délégués restants.
    Grigori était mortifié. Comment
son heure de triomphe avait-elle pu dégénérer aussi vite et se transformer en
chahut incontrôlable ?
    Lénine, pour sa part, avait l’air
plus enchanté que jamais.
    Plusieurs délégués soldats vinrent
parler en faveur du coup d’État bolchevique. Grigori en fut un peu rasséréné,
mais il ne comprenait toujours pas ce qui mettait Lénine en joie. Celui-ci
était en train de griffonner sur un bloc-notes. Au fur et à mesure que les
discours s’enchaînaient, il corrigeait et récrivait. Finalement, il tendit deux
feuillets à Grigori. « Ce texte doit être présenté au congrès pour
adoption immédiate », déclara-t-il.
    C’était une longue déclaration
truffée des formules oratoires d’usage, mais Grigori tomba rapidement sur la
phrase clé : « Le congrès décide par la présente résolution de
prendre et d’assumer le pouvoir gouvernemental. »
    Grigori n’attendait pas autre
chose.
    « Tu veux que Trotski en
donne lecture ?
    — Non, pas lui. » Lénine
passa en revue les hommes – et l’unique femme – présents sur la
tribune et dit : «Lounatcharski. »
    Lénine devait trouver que Trotski
s’était déjà assez attiré de gloire.
    Grigori porta la déclaration à
Lounatcharski, qui fit signe au président. Quelques instants plus tard, Kamenev
invitait Lounatcharski à prendre la parole. Il se leva et lut à haute voix la
résolution de Lénine.
    Chaque phrase déclencha une
clameur d’approbation.
    Le président fit procéder au
vote.
    Ce ne fut qu’à cet instant que
Grigori commença à comprendre pourquoi Lénine était si content : Les
mencheviks et les socialistes révolutionnaires partis, les bolcheviks
disposaient d’une écrasante majorité. Ils pouvaient faire tout ce qu’ils
voulaient. Plus besoin de compromis.
    Le vote eut lieu. Seuls deux
délégués se prononcèrent contre le texte de Lénine.
    Les bolcheviks détenaient le
pouvoir et, désormais, la légitimité. Le président leva la séance. Il était
cinq heures du matin, le jeudi 8 novembre. La révolution russe était
victorieuse. Et les bolcheviks

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