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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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était vivante, l’aimait-elle encore ? Il en était
presque sûr. Mais tout de même, deux ans s’étaient écoulés depuis leur étreinte
passionnée dans une chambre d’hôtel de Stockholm. On entendait parler de tant d’hommes
qui, à leur retour de guerre, découvraient que leurs fiancées ou leurs épouses
étaient tombées amoureuses d’un autre au cours de ces longues années de
séparation.
    Quelques jours plus tard, les
chefs des délégations furent convoqués à l’hôtel Trianon, de l’autre côté des
jardins, et on leur distribua en grande pompe des exemplaires du traité de paix
rédigé par les Alliés victorieux. Le texte était en français. De retour à l’hôtel
des Réservoirs, les délégués les communiquèrent à des équipes de traducteurs.
Walter dirigeait l’une d’elles. Il divisa la partie qui lui avait été remise en
plusieurs chapitres, les transmit à ses collaborateurs et s’assit pour en lire
le contenu.
    C’était encore pire que ce qu’il
avait imaginé.
    Il était prévu que l’armée
française occupe la Rhénanie, région frontalière entre la France et l’Allemagne,
pendant quinze ans. La Sarre, une province allemande, serait placée sous protectorat
de la Société des nations, les houillères étant contrôlées par la France. L’Alsace
et la Lorraine reviendraient à la France, sans plébiscite : le
gouvernement français craignait en effet que la population ne préfère rester
allemande. Le tracé des frontières du nouvel État polonais expropriait trois
millions d’Allemands et son territoire comprenait désormais les gisements
houillers de Silésie. L’Allemagne perdrait toutes ses colonies : les
Alliés s’étaient partagé ce butin comme des voleurs. De surcroît, les Allemands
devaient accepter de verser des réparations dont le montant n’était pas précisé
– autrement dit, de signer un chèque en blanc.
    Walter se demanda quel genre de
pays les puissances victorieuses souhaitaient faire de l’Allemagne. Envisageaient-elles
de la transformer en un immense camp d’esclaves dont toute la population se
nourrirait de rations de survie et trimerait exclusivement au profit de leurs
seigneurs et maîtres ? Si tel était le sort qui attendait Walter, comment
pouvait-il envisager de fonder un foyer avec Maud et d’avoir des enfants ?
    Mais la clause la plus
inacceptable était celle qui imputait à l’Allemagne la responsabilité pleine et
entière de la guerre.
    L’article 231 disait en effet :
« Les gouvernements alliés et associés déclarent, et l’Allemagne
reconnaît, que l’Allemagne et ses alliés sont responsables, pour les avoir
causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les
gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la
guerre, qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses alliés. »
    « C’est un mensonge, fulmina
Walter. Un satané mensonge, stupide, ignorant, malveillant et pervers. »
    L’Allemagne n’était pas
innocente, il le savait, et il ne s’était pas fait faute de le rappeler à son
père, à maintes et maintes reprises. Mais il avait vécu les crises
diplomatiques de l’été 1914, et avait suivi pas à pas la marche vers la guerre ;
aucune nation n’était seule coupable. Les dirigeants des deux camps avaient eu
pour souci majeur de défendre leurs pays, et aucun n’avait cherché à entraîner
le monde dans la plus grande guerre de l’histoire : ni Asquith, ni
Poincaré, ni le kaiser, ni le tsar, ni l’empereur d’Autriche. Gavrilo Princip
lui-même, l’assassin de Sarajevo, avait été atterré, disait-on, quand il avait
pris conscience de la tragédie qu’il avait déclenchée. Mais il n’était pas, lui
non plus, responsable de « toutes les pertes et de tous les dommages ».
    Walter croisa son père peu après
minuit, alors qu’ils faisaient une pause-café pour essayer de rester éveillés
et de poursuivre leur travail. « C’est scandaleux ! vitupéra Otto.
Nous avons accepté un armistice fondé sur les quatorze points de Wilson, or ce
traité n’a rien à voir avec les quatorze points ! »
    Pour une fois, Walter était du
même avis que son père.
    Au lever du jour, la traduction
était imprimée et plusieurs exemplaires déjà partis pour Berlin par courrier
spécial – un modèle d’efficacité allemande, songea Walter, plus sensible
aux vertus de son pays lorsque celui-ci était foulé aux

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