La Chute Des Géants: Le Siècle
bras et prit
furtivement la main de Walter. Il sourit et, du pouce, lui caressa les doigts.
Elle aurait voulu pouvoir l’embrasser, mais c’était trop téméraire.
Quand Zerlina chanta son aria « Vedrai,
carino » dans une sentimentale mesure à trois-huit, une impulsion
irrésistible s’empara de Maud et, à l’instant où Zerlina pressait la main de
Masetto sur son cœur, Maud posa celle de Walter sur son sein. Il eut un hoquet
de surprise, mais personne ne le remarqua car Masetto émettait le même genre de
bruit après avoir été rossé par Don Giovanni.
Elle tourna sa main de façon qu’il
puisse sentir son téton sous sa paume. Il aimait ses seins et les touchait dès
qu’il le pouvait, c’est-à-dire rarement. Elle aurait aimé que ce soit plus
fréquent tant elle adorait cela. C’était une autre découverte. Il n’avait pas
été le premier à les caresser – il y avait eu un médecin, un prêtre
anglican, une fille plus âgée, au cours de danse, un homme dans la foule –,
et elle avait été tout à la fois troublée et flattée de constater qu’elle
pouvait éveiller le déSir d’autrui, mais avant lui, elle n’y avait jamais
pris de plaisir. Elle jeta un coup d’œil furtif à Walter ; il avait le
regard fixé sur la scène, et son front luisait de transpiration. Elle se
demanda si elle avait tort de l’exciter ainsi alors qu’elle ne pouvait pas lui
donner satisfaction. Il ne fit pourtant pas mine de retirer sa main, et elle en
conclut que cela ne lui déplaisait pas. Elle y trouvait de la jouissance, elle
aussi. Mais, comme toujours, elle aurait voulu aller plus loin.
Qu’est-ce qui avait bien pu la
changer ainsi ? C’était la première fois qu’elle éprouvait de telles
envies. C’était lui, bien sûr, et la complicité qui les liait, une intimité si
profonde qu’elle avait l’impression de pouvoir tout dire, de pouvoir tout
faire, de ne rien avoir à réprimer. En quoi était-il si différent de tous ceux
qui s’étaient déjà entichés d’elle ? Les hommes comme Lowthie, ou même
Bing, attendaient d’une femme qu’elle se conduise comme une enfant bien élevée :
qu’elle les écoute respectueusement quand ils étaient graves, qu’elle rie de
bon cœur quand ils plaisantaient, qu’elle obéisse quand ils faisaient preuve d’autorité
et qu’elle les embrasse chaque fois qu’ils le lui demandaient. Walter la
traitait en adulte. Il ne jouait pas les séducteurs, il n’était pas
condescendant, ne plastronnait pas et écoutait au moins autant qu’il parlait.
La musique prit des accents
sinistres lorsque la statue s’anima, et le Commandeur pénétra dans la salle à
manger de Don Giovanni sur une dissonance dans laquelle Maud reconnut une
septième diminuée. C’était le point culminant de l’opéra et Maud était presque
certaine que personne ne se retournerait. Ne pourrait-elle pas tout de même
donner satisfaction à Walter ? Cette idée lui coupa la respiration.
Tandis que les trombones
grondaient au-dessus de la profonde voix de basse du Commandeur, elle posa la
main sur la cuisse de Walter. Elle sentait la chaleur de sa peau à travers la
laine fine de son pantalon de soirée. Il ne la regardait toujours pas, mais
elle vit qu’il avait la bouche ouverte et le souffle court. Elle glissa la main
plus haut sur sa cuisse et, au moment où Don Giovanni prenait courageusement la
main du Commandeur, ses doigts effleurèrent le membre raidi de Walter avant de
se refermer sur lui.
Elle était tout à la fois excitée
et curieuse. Jamais elle n’avait fait une chose pareille. Elle le tâta à
travers l’étoffe de son pantalon. Plus grand qu’elle ne l’aurait cru, plus dur
aussi, il évoquait davantage un morceau de bois qu’une partie du corps. Comme
il est étrange, se dit-elle, que le simple toucher d’une main de femme puisse
provoquer une transformation physique aussi remarquable. Quand elle éprouvait
du désir, cela ne se manifestait que par d’infimes changements : une
sensation presque imperceptible de gonflement, et une humidité, à l’intérieur.
Chez les hommes, c’était comme s’ils hissaient un drapeau.
Elle savait ce que faisaient les
garçons, car elle avait surpris Fitz un jour, quand il avait quinze ans. Elle
refit alors le geste qu’elle l’avait vu accomplir, le mouvement de va-et-vient,
pendant que le Commandeur exhortait Don Giovanni à se repentir et que le
libertin refusait obstinément. Walter haletait
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