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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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à présent, mais l’orchestre
jouait si fort que personne ne pouvait l’entendre. Elle était ravie de pouvoir
lui donner un tel plaisir. Elle observait les nuques des autres occupants de la
loge, terrifiée à l’idée que l’un d’eux se retourne tout en étant trop absorbée
pour s’interrompre. Walter posa la main sur la sienne pour lui montrer comment
faire, serrant plus fort en descendant et relâchant l’étreinte en montant, et
elle l’imita. À l’instant où Don Giovanni fut entraîné dans les flammes, Walter
se crispa sur son siège. Elle sentit dans son membre une sorte de spasme – une
fois, deux fois, une troisième fois – puis, comme Don Giovanni mourait de
peur, Walter parut s’effondrer, épuisé.
    Maud prit soudain conscience de
sa folie. Elle retira promptement la main, rouge de honte. Elle s’aperçut qu’elle
haletait et fit un effort pour respirer normalement.
    Quand l’ensemble final entra en scène,
elle se détendit. Elle ne savait pas ce qui lui avait pris, mais heureusement,
personne n’avait rien remarqué. Son soulagement était si profond qu’elle eut
envie de rire. Elle pouffa tout bas.
    Elle surprit le regard de Walter.
Il la contemplait avec une expression d’adoration qui la fit rayonner de joie.
S’inclinant vers elle, il approcha les lèvres de son oreille. « Merci,
murmura-t-il.
    — C’était un plaisir »,
dit-elle dans un soupir.

VI.
Juin 1914
    1.
    Au début du mois de juin, Grigori
Pechkov avait économisé assez d’argent pour acheter son passage vers New York.
Les Vialov de Saint-Pétersbourg lui vendirent son billet, ainsi que les papiers
nécessaires pour entrer aux États-Unis, en particulier une lettre émanant de Mr
Josef Vialov, de Buffalo, qui lui garantissait un emploi.
    Grigori embrassa son billet.
Comme il lui tardait de partir ! On aurait dit un rêve et il redoutait de
se réveiller avant que le bateau ait levé l’ancre. À présent que le départ
était tout proche, il était impatient de se retrouver sur le pont pour voir la
Russie disparaître à l’horizon, sortir de sa vie pour toujours.
    La veille du grand jour, ses amis
organisèrent une fête.
    Elle se déroulait Chez Michka, un
bistrot proche de l’usine de construction mécanique Poutilov, et réunissait une
douzaine de ses collègues, la plupart des membres du groupe de discussion
bolchevique sur le socialisme et l’athéisme, et les filles de l’immeuble où
vivaient Lev et Grigori. Ils étaient tous grévistes – la moitié des usines
de Saint-Pétersbourg avaient cessé le travail –, ils n’avaient pas
beaucoup d’argent mais, en se cotisant, ils avaient pu s’offrir un tonneau de
bière et quelques harengs. Il faisait chaud en cette soirée d’été et ils s’assirent
sur des bancs dans un terrain vague proche du bistrot.
    Grigori n’avait rien d’un fêtard.
Il aurait préféré passer la soirée à jouer aux échecs. L’alcool abrutit les
hommes, et il ne voyait pas d’intérêt à flirter avec l’épouse ou la compagne d’un
tiers. Son ami Konstantin, le président échevelé du groupe de discussion, se
querella à propos de la grève avec Isaak, l’amateur de football agressif ;
le débat s’acheva par des hurlements. La grosse Varia, la mère de Konstantin,
engloutit la quasi-totalité d’une bouteille de vodka, frappa son mari et s’évanouit.
Lev avait amené une foule d’amis – des hommes que Grigori ne connaissait
pas et des filles qu’il ne souhaitait pas connaître –, qui vidèrent le
tonneau de bière sans rien débourser.
    Grigori passa la soirée à fixer
Katerina d’un œil navré. Elle était de bonne humeur – elle adorait les
fêtes. On voyait tournoyer sa longue jupe et briller ses yeux bleu-vert à
mesure qu’elle se déplaçait dans l’assistance, aguichant les hommes et charmant
les femmes, un sourire immuable sur ses lèvres pulpeuses. Ses habits étaient
usés et rapiécés, mais elle avait un corps superbe, comme les Russes les
apprécient, hanches larges et poitrine généreuse. Grigori était tombé amoureux
d’elle le jour de leur rencontre et, quatre mois plus tard, il en était
toujours fou. Mais elle lui préférait son frère.
    Pourquoi ? Ce n’était pas
une question de physique. Les deux frères se ressemblaient tellement qu’on les
prenait parfois l’un pour l’autre. Ils avaient la même taille, le même poids,
et échangeaient souvent leurs vêtements. Lev possédait le charme en plus.

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