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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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vais
faire ?
    — Partir à Moscou. Tu n’es
plus en sécurité à Saint-Pétersbourg, et tu ne pourras peut-être jamais
revenir.
    — Je me demande si Moscou
est assez loin, maintenant que la police est équipée du télégraphe. »
    Il avait raison, Grigori s’en
rendait compte.
    La sirène du bateau retentit à
nouveau. Bientôt, on retirerait les passerelles d’embarquement. « Il ne
nous reste qu’une minute, dit Grigori. Que vas-tu faire ?
    — Je pourrais partir pour l’Amérique »,
proposa Lev.
    Grigori ne voulait même pas l’envisager.
    Mais Lev poursuivit avec une
logique implacable : « Je pourrais utiliser ton passeport et tes
papiers pour entrer aux États-Unis, personne ne verrait la différence. »
    Grigori vit son rêve s’évanouir,
comme la fin d’un film au cinéma Soleil de la perspective Nevski, lorsque les
lumières se rallumaient pour révéler les couleurs ternes et le sol crasseux du
monde réel. « Te donner mon billet, souffla-t-il au désespoir, retardant l’instant
de la décision.
    — Tu me sauverais la vie. »
    Grigori savait qu’il n’avait pas
le choix et il en avait le cœur brisé.
    Il sortit les papiers de la poche
de son plus beau costume et les remit à Lev. Il lui donna l’argent qu’il avait
économisé en vue du voyage. Puis il tendit à son frère la valise en carton
décorée d’un impact de balle.
    « Je t’enverrai l’argent
pour te payer un autre billet », promit Lev avec ferveur. Grigori ne
répondit pas, mais son scepticisme devait être visible car Lev protesta :
« Je te l’enverrai, je te le jure. Je ferai des économies.
    — Entendu », fit
Grigori.
    Ils s’étreignirent. « Tu as
toujours pris soin de moi, dit Lev.
    — Oui, en effet. »
    Lev courut vers le bateau.
    Les marins larguaient les
amarres. Ils étaient sur le point de retirer la passerelle, mais Lev poussa un
cri et ils lui laissèrent quelques secondes.
    Il courut jusqu’au pont.
    Accoudé au bastingage, il agita
la main en direction de Grigori.
    Celui-ci n’avait pas le cœur à
lui rendre son salut. Il se retourna et partit.
    La sirène retentit une nouvelle
fois, mais il ne regarda pas derrière lui.
    Libéré du poids de la valise, son
bras droit lui semblait étrangement léger. Il marcha le long du quai,
contemplant l’eau noire et profonde, et il lui vint d’étranges idées de noyade.
Il se secoua : pas question de céder à de telles tentations. Néanmoins, il
se sentait amer et déprimé. Jamais la vie ne lui avait donné les bonnes cartes.
    Le moral toujours en berne, il
rebroussa chemin dans le quartier industriel. Il avançait les yeux baissés,
sans prendre la peine de rester aux aguets : s’il se faisait arrêter par
la police, cela n’avait plus aucune importance.
    Qu’allait-il faire maintenant ?
Il n’avait plus d’énergie pour rien. Une fois la grève terminée, il
retrouverait sans problème son emploi à l’usine : les contremaîtres
savaient qu’il travaillait dur. Sans doute devrait-il s’y rendre sans tarder,
pour voir si le conflit avait évolué… mais il n’en avait pas envie.
    Au bout d’une heure, il arriva à
proximité de chez Michka. Il comptait bien passer sans s’arrêter, quand, en
jetant un coup d’œil dans la salle, il aperçut Katerina, qui n’avait
apparemment pas bougé depuis deux heures et fixait son thé refroidi. Il devait
lui raconter ce qui s’était passé.
    Il entra. À part Katerina, il n’y
avait que Michka qui s’affairait à balayer la salle.
    Katerina se leva d’un bond,
terrifiée. « Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu
as raté ton bateau ?
    — Pas exactement. » Il
ne voyait pas comment lui annoncer la nouvelle.
    « Quoi, alors ? Lev est
mort ?
    — Non, il va bien. Mais il
est recherché pour meurtre. »
    Elle ouvrit de grands yeux. « Où
est-il ?
    — Il a dû partir.
    — Où ça ? »
    Il n’y avait pas moyen de lui
cacher la vérité. « Il m’a demandé de lui donner mon billet.
    — Ton billet ?
    — Et aussi mon passeport. Il
est parti en Amérique.
    — Non ! »
hurla-t-elle.
    Grigori hocha la tête sans un
mot.
    « Non ! répéta-t-elle.
Il n’a pas pu me quitter ! Ne dis pas ça, ne dis jamais ça !
    — Calme-toi. »
    Elle le gifla. Il tressaillit à
peine. « Salopard ! glapit-elle. C’est toi qui l’as chassé !
    — Je l’ai fait pour lui
sauver la vie.
    — Ordure ! Salaud !
Je te déteste ! Je déteste ta sale

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