Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
Vom Netzwerk:
Lev, se plaçant de façon que personne ne puisse observer
leur transaction.
    Lev empocha l’argent et bourra sa
pipe. « Dis-moi une chose, Grigori », demanda Spiria. Comme Lev avait
pris les papiers de son frère, il avait aussi endossé son identité. « Que
ferais-tu si je refusais de te donner ta part ? »
    Sujet délicat. Lev rangea sa
blague à tabac et sa pipe encore éteinte dans sa poche. Puis il agrippa Spiria
par les revers de sa veste et le plaqua contre le bastingage, comme s’il avait
l’intention de le jeter par-dessus bord. Spiria était plus grand que lui, mais
c’était lui le plus fort, et de loin. « Je te casserais le cou, crétin,
gronda Lev. Ensuite, je récupérerais tout le fric que tu as gagné grâce à moi. »
Il accentua sa pression. « Et, pour finir, je t’enverrais rejoindre les
poissons. »
    Spiria était terrifié : « D’accord !
Lâche-moi ! » Lev relâcha son étreinte.
    « Tu es malade ou quoi !
hoqueta Spiria. Je posais une question, c’est tout. »
    Lev alluma sa pipe. « Et je
t’ai donné la réponse, dit-il. Tâche de ne pas l’oublier. » Spiria s’éloigna.
    Au moment où la brume se leva, la
terre était en vue. Il faisait nuit, mais Lev distingua sans peine les lumières
d’une ville. Où se trouvaient-ils ? Au Canada, disaient certains, ou alors
en Irlande, mais personne n’était sûr de rien.
    Les lumières se rapprochèrent et
le navire ralentit l’allure. Ils allaient accoster. Lev entendit un passager s’exclamer
qu’ils étaient déjà arrivés en Amérique. Dix jours, cela semblait bien rapide.
Mais qu’en savait-il, après tout ? Il se planta sur le pont, la valise en
carton de son frère à la main. Son cœur battit plus vite.
    Cette valise lui rappela que c’était
Grigori qui aurait dû émigrer. Lev n’avait pas oublié sa promesse : lui
envoyer le prix d’un billet. Une promesse qu’il se devait de tenir. Grigori lui
avait sans doute sauvé la vie – pour la énième fois. J’ai bien de la
chance d’avoir un frère comme lui, songea-t-il.
    Il gagnait de l’argent sur le
bateau, mais pas assez vite. Sept roubles, c’était de la petite bière. Il
devait empocher plus gros. En Amérique, tout était possible : là-bas, il
ferait fortune.
    C’était avec surprise qu’il avait
découvert un impact de balle dans la valise ; le projectile s’était logé
dans une boîte contenant un échiquier qu’il avait vendu à un Juif pour cinq
kopecks. Il se demandait toujours comment Grigori s’était débrouillé pour qu’on
lui tire dessus.
    Katerina lui manquait. Il aimait
parader avec une fille comme elle à son bras, sachant qu’il faisait l’envie de
tous les hommes alentour. Mais il y avait plein de filles en Amérique.
    Grigori savait-il qu’elle était
enceinte ? Lev éprouva un pincement de regret : verrait-il un jour
son fils ou sa fille ? Katerina allait devoir élever leur enfant toute
seule. Il refusa pourtant de s’inquiéter : elle trouverait sûrement quelqu’un
pour les prendre en charge, c’était une survivante.
    Il était minuit passé quand le
bateau accosta enfin. La pénombre régnait sur le quai désert. Les passagers
débarquèrent avec leurs sacs, leurs valises et leurs caisses. Un officier de l’Ange Gabriel les conduisit dans un entrepôt meublé de quelques bancs. « Attendez
ici. Les fonctionnaires de l’immigration arriveront demain matin »,
dit-il, prouvant qu’il parlait au moins quelques mots de russe.
    Aux yeux d’émigrants qui avaient
parfois économisé des années durant, c’était un peu décevant. Les femmes s’assirent
et les enfants s’endormirent pendant que les hommes fumaient en attendant le
matin. Au bout d’un temps, ils entendirent les moteurs du navire et Lev sortit
pour le voir larguer les amarres et s’éloigner lentement. Peut-être
déchargerait-il ses fourrures dans un autre port.
    Il s’efforça de se rappeler ce
que lui avait dit Grigori sur les premières démarches à accomplir dans un
nouveau pays. Les immigrants devaient subir une visite médicale – un
moment difficile à passer, car toute personne inapte était renvoyée dans son
pays d’origine, ses espoirs brisés et ses économies perdues à jamais. Parfois,
les services d’immigration changeaient le patronyme des gens, afin que les
Américains aient moins de mal à le prononcer. Au-delà des quais, un
représentant de la famille Vialov les attendrait pour les conduire en

Weitere Kostenlose Bücher