Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
fromagerie !
     Toé pis tes grands rêves de fou ! C’est comme le reste, ça marchera pas ! T’es
     juste un bon à rien !
    Son visage se déformait, elle en crachait. Elle devenait méconnaissable, plus
     rien à voir avec la jeune fille timide et souriante qu’ilavait
     épousée, fier comme un coq, confiant dans l’avenir… Maintenant, cela commençait
     à ne plus être vivable. Les premières fois, quand elle était dans ses bons
     jours, il s’accrochait à l’espoir que tout s’arrangerait et lors de ses crises
     d’humeur, il essayait de la calmer et de la raisonner. Mais à présent, il ne se
     faisait plus aucune illusion quant à ses soudaines gentillesses et mettait fin
     aux récriminations par un tonitruant « Baptême de baptême ! », accompagné d’un
     violent coup de poing sur la table ou en quittant tout simplement la maison, la
     laissant chialer dans le vide. Pourtant, il avait fait de son mieux pour prendre
     soin d’elle et pour la comprendre ! Hélas, ce n’était jamais assez. Elle
     trouvait toujours quelque chose à critiquer. Pourtant, il ne lui demandait
     presque plus rien. En plus du roulement de la ferme et de la construction de la
     future fromagerie, il voyait aussi au lavage, au ménage et à la cuisine. Il
     n’était pas une créature, lui ! On ne lui avait jamais appris à boulanger ou à
     laver le linge sale ! Mais enfin, il s’en sortait avec une sorte de crêpe
     recouverte de mélasse et des patates jaunes, plus brunes qu’autre chose… Quant
     au devoir conjugal… Il y avait belle lurette qu’il ne l’avait plus touchée. Au
     début, il voulait seulement la ménager, elle avait été si éprouvée, et après
     tous ces deuils successifs, il ne voulait pas risquer de la mettre pleine
     encore… mais plus tard, il s’était fait repousser, comme s’il avait la gale… Il
     y avait des limites à ce qu’un homme pouvait accepter, alors il faisait sa
     petite affaire, discrètement, dans un coin caché de la grange, en imaginant une
     belle créature qui le caressait tendrement… mais qui disparaissait toujours, en
     laissant derrière elle une gênante trace de regret. Parfois, il sentait le
     découragement l’envahir. Il avait eu à faire face à bien des épreuves dans sa
     vie ; le froid, il en avait perdu un bout d’orteil, la faim, il n’avait eu
     souvent que ça à manger, et la mort s’était acharnée sur son nom… Une chance
     qu’il avait la foi. Chaque soir, il se mettait à genoux devant le crucifix de la
     cuisine et, la têtebaissée, il remettait sa vie entre les mains
     de la Divine Providence et demandait à Dieu de ne pas l’abandonner, de le guider
     de sa Lumière… Et, invariablement, ces moments de recueillement lui redonnaient
     la force de poursuivre, de se tourner vers son fils, qui partageait maintenant
     ses prières, de le prendre dans ses bras, de le chatouiller et de se mettre à se
     tirailler avant de l’envoyer se coucher.

    François-Xavier… Rose-Élise lui faisait la vie dure… Lui qui croyait que la
     présence de l’enfant allait arranger les choses, c’était pire depuis son
     arrivée. Le comportement de Rose-Élise était tellement déroutant. Elle ne
     sortait pas de la ferme, ne faisait aucun voisinage. Si François-Xavier se
     trouvait sur son chemin, elle le repoussait sans ménagement avec un soupir
     d’exaspération. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas s’apercevoir de la
     haine que Rose-Élise ressentait envers l’enfant. Toujours en train de le
     rabaisser, de le critiquer, de le traiter d’abandonné. Elle avait même commencé
     à le talocher. Ernest s’interposait chaque fois qu’il le pouvait.
    — Baptême, Rose-Élise, pas besoin de le claquer. Y a rien fait !
    — Comment ça, rien fait ? Comment veux-tu que je l’élève si t’es toujours à
     prendre pour lui ? Tu veux en faire un moins que rien, comme toé ? De toute
     façon, j’vois pas pourquoi j’m’époumone pour quelque chose de perdu d’avance. On
     n’aurait jamais dû le ramasser, celui-là !
    Le petit garçon recevait les injures, se réfugiant près de son père. Pendant un
     an, Joséphine lui avait répété qu’il y avait du bon en lui, qu’il était beau,
     qu’elle l’aimait. Maintenant, Ernest lui disait la même chose, mais, en d’autres
     termes. « Tu apprends vite mon garçon », « Chus content de toé ». Et l’attention
     de son père contrebalançait

Weitere Kostenlose Bücher