Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
larudesse de la femme. Et puis, il
     n’était pas fou ! Il se tenait le plus loin d’elle possible. Ce n’était pas pour
     rien qu’il était toujours sur les talons d’Ernest. D’instinct, le petit garçon
     s’arrangeait pour ne pas se retrouver seul avec la femme, mais ce n’était pas
     toujours possible…
    Il était sept heures et demie environ et il venait de se mettre au lit.
     Grelottant, il s’emmitouflait dans ses couvertures, essayant de se réchauffer
     les pieds. On était rendu à la fin de novembre, mais la neige n’était pas encore
     arrivée, au grand désappointement de François-Xavier. Peut-être se
     réveillerait-il demain et que tout serait blanc ? Tout à coup, il entendit un
     léger craquement. Automatiquement, il tendit l’oreille, arrêta de respirer, et
     son cœur s’emballa. C’était toujours comme cela. Il s’endormait, non pas au son
     d’une berceuse ou d’une histoire, mais à l’écoute du moindre bruit de la maison.
     La peur le tenaillait et le réveillait en sursaut trois ou quatre fois par nuit.
     Oh, il n’avait pas peur du noir ou des monstres sous son lit, comme les autres
     enfants, non, il avait peur de Rose-Élise. Il n’avait pas la permission de
     suivre son père aux derniers travaux de la journée. Ernest était inflexible sur
     ce point et il est vrai que, levé depuis l’aube, travaillant plus fort que
     n’importe quel gamin de son âge, il était fourbu à la nuit tombée. Mais si
     Ernest avait su que Rose-Élise profitait de ces moments pour venir harceler
     François-Xavier, il serait intervenu avant… Mais son fils ne lui avait jamais
     confié ses craintes. François-Xavier ne voulait pas se plaindre. Il avait si
     peur qu’ils ne le renvoient à l’orphelinat comme sa mère adoptive ne cessait de
     le menacer. Alors, il se taisait et pendant qu’Ernest coupait un peu de bois ou
     allait aux dernières corvées, François-Xavier subissait les fréquentes visites
     de sa mère. Elle profitait de ces moments de solitude pour monter à sa chambre
     et venir lui piquer une de ses crises. Des fois, elle l’appelait juste Xavier,
     l’embrassait et le berçait dans ses bras, en lui chantant une chanson d’enfant.
     Mais c’était rare qu’il s’en tirait à sibon compte…
     Habituellement, elle lui crachait des bêtises au visage, le prenant par les
     épaules et le secouant au point qu’il se frappait la tête sur le rebord du lit.
     Quelquefois, elle cessait subitement de le rudoyer et se mettait à pleurer en se
     tirant les cheveux et en se plaignant qu’elle avait mal à cause de lui parce
     qu’il était mauvais. Elle lui faisait promettre d’être sage à l’avenir, ce qu’il
     faisait, les larmes aux yeux, pour qu’elle parte enfin et le laisse en paix…
     Dernièrement, il avait été relativement tranquille. Probablement à cause de
     l’hiver et de la noirceur qui arrivait si tôt et du fait qu’Ernest, ayant
     beaucoup moins d’ouvrage, restait souvent à l’intérieur le soir à fumer une
     bonne pipe près du poêle à bois. François-Xavier s’endormait heureux, se
     délectant de la rassurante odeur du tabac.
    Le bruit se répéta. Cette fois, François-Xavier se rassit brusquement dans son
     lit. Il oublia le froid, qui tantôt était insupportable, et se concentra sur le
     soudain silence de la maison. Il n’entendait plus rien… Son père était-il
     sorti ? Chut ! Encore ce craquement ! Oh non, on dirait les marches de
     l’escalier… Oui, quelqu’un les montait une à une, lentement… Rose-Élise !
     Terrifié, François-Xavier se cacha sous ses couvertures et retint sa
     respiration, immobile, son ouïe décuplée suivant la progression de sa mère
     adoptive. « Est sur le palier… Est rendue dans le corridor… A se tient dans le
     cadre de la porte… J’entends sa respiration… Papa, j’ai peur… »
    Rose-Élise, un chandelier à la main, s’avança silencieusement jusqu’au lit de
     l’enfant et resta debout un long moment à étudier la forme allongée que la lueur
     de sa bougie faisait trembloter. Son mari avait mis plus de soin à bâtir cette
     couchette qu’à lui faire une table de chevet, comme elle le lui avait demandé.
     Il n’avait pas le temps, rétorquait-il, pour un meuble dont on n’avait pas
     vraiment besoin. On savait bien, il n’y avait rien de trop beau pour son adopté
     de fils, par exemple… Rose-Élise alla déposer le chandelier sur la

Weitere Kostenlose Bücher