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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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astheure que chus là, pis reste au lit demain matin, offrit
     la jeune soeur en embrassant affectueusement Anna sur la joue avant de se
     diriger vers l’escalier.
    — Moé rester au lit ? Quand j’serai morte, pas avant !

    La fin de l’hiver s’étirait tout comme la grossesse d’Anna qui n’en finissait
     pas. Enfin, l’enfant vint à se pointer en même temps que les premiers beaux
     jours d’avril. Anna s’en revenait du poulailler, appréciant cette belle matinée
     ensoleillée, quand les douleurs commencèrent. La première fut si forte, si
     surprenante, qu’Anna en échappa son panier rempli d’œufs pour se saisir le
     ventre à pleines mains. Pliée en deux, elle fixa, sans le voir, le visqueux
     mélange sur lereste de neige encore au sol. La crispation
     s’estompa doucement. Anna en profita pour essayer de se diriger vers la maison,
     mais la deuxième contraction la terrassa avant qu’elle n’ait pu faire un pas.
     Accroupie, frappant le sol d’un poing, outrée de tant de douleur soudaine, Anna
     essaya de se relever, elle ne pouvait accoucher ici… Elle avait tant prié pour
     que Ti-Georges soit son dernier enfant. Pendant quatre ans, elle avait vu ses
     prières exaucées et était certaine qu’elle ne serait plus jamais en famille.
     Surtout qu’elle avait atteint l’âge d’être grand-mère… Mais le Bon Dieu en avait
     décidé autrement. Elle tenta d’appeler au secours, mais la troisième contraction
     étouffa le son de sa voix. Les eaux du bébé s’écoulaient lentement par terre,
     comme les larmes qu’elle ne pouvait retenir. Il fallait qu’elle trouve le
     courage nécessaire pour se remettre debout. À demi redressée, elle réussit à se
     traîner un peu, mais la quatrième vague de souffrance arrêta sa progression.
     Reprenant son souffle, elle tenta à nouveau d’appeler à l’aide. Cette fois, le
     cri déchira l’air en même temps que les chairs de la mère.

    Ernest profitait de la douce température et, tout en fendant quelques bûches,
     il enseignait à son fils comment s’y prendre avec une hache. François-Xavier,
     assis sur un rondin, écoutait nonchalamment les conseils de son père tout en
     jouant avec un petit couteau sur un morceau de bois. Tout à coup, l’enfant
     releva la tête, comme mu par un sixième sens. Il laissa échapper son ébauche de
     sculpture et resta là, les bras ballants, la bouche ouverte, les yeux ronds
     d’étonnement. Ernest arrêta net son élan de bûcheron et se retourna lentement
     vers ce qui causait tant de stupeur chez son fils. La surprise était de taille.
     Là, une grosse femme, qui lui rappelait vaguement quelqu’un, se tenaitimmobile, les larmes aux yeux, aussi émue que son fils adoptif.
     Le regard d’Ernest alla de l’un à l’autre, ne comprenant rien de la situation.
     Puis tout se précipita. La jeune femme s’agenouilla dans la neige,
     François-Xavier courut se jeter dans ses bras. Au nom de Fifine, que son garçon
     se mit à miauler, la lumière se fit dans l’esprit de l’homme. La femme était la
     fameuse Fifine de l’orphelinat.

    Léonie était affairée à la cuisine, en train de boulanger sa fournée de pain,
     sous l’œil gourmand de Ti-Georges qui n’était pas encore assez grand pour aller
     à l’école, quand elle entendit le hurlement. Elle lâcha tout pour se précipiter
     à la fenêtre. Atterrée, elle y vit sa sœur indubitablement mal prise près des
     bâtiments.
    — Ti-Georges, bouge pas d’icitte, tu m’entends pis touche à rien !
     ordonna-t-elle.
    Les mains collantes de pâte, énervée, elle eut de la misère à basculer la
     clenche de la porte. Celle-ci s’ouvrit enfin et Léonie courut jusqu’à sa
     sœur.
    — Mon doux Seigneur, c’est le bébé qui arrive, c’est ça ? devina Léonie en
     aidant Anna à se relever.
    — Mais non, j’veux juste que tu m’aides à faire une omelette, marmonna Anna en
     s’appuyant lourdement au bras de sa jeune sœur.
    — Ben drôle. J’envoie quelqu’un chercher la pelle-à-feu, décida Léonie.
    — Attends, souffla Anna, la sage-femme aura pas le temps de se rendre, j’le
     sens qu’y pousse !
    — Quoi ! s’alarma Léonie.
    — Ç’a ben l’air qu’y est pressé, celui-là, dit Anna avec un sourire crispé.
     Aide-moé à rentrer dans la maison, dépêche-toé !
    La soutenant du mieux qu’elle put, Léonie réussit à emmener sa
     sœur jusque dans sa

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