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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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de douleur que de découragement face à l’inutilité de sa
     sœur. Haletante, elle souffla :
    — T’es ben la seule femme du pays qui connaisse rien à la délivrance ! Va donc
     te laver les mains à place, la rabroua-t-elle.
    Léonie s’exécuta et se dirigea vers la cuisine. Elle releva les manches de sa
     robe, remplit un bassin d’eau chaude et les plongeadans le
     récipient. Heureusement, Anna emplissait en permanence une bouilloire sur le
     poêle. Léonie se lava énergiquement les mains. Puis elle mouilla un linge, remit
     de l’eau à bouillir et revint rapidement au chevet de sa sœur. Celle-ci, en
     sueur, tenait les fameux montants de lit en forme de grappes de raisins à deux
     mains et forçait pour expulser son enfant.
    — Tiens Anna, chut, repose-toé un peu… dit Léonie en humectant le front de sa
     sœur.
    — Ben oui ! J’pense même que j’va dormir un peu ! se moqua rageusement
     Anna.
    Anna se redressa subitement et redoubla d’ardeur dans ses poussées, mais ce
     bébé semblait coincé à la porte de sortie, ma foi du Bon Dieu !
    — Pis là j’fais quoi ? s’informa Léonie d’une toute petite voix.
    — Ah ! Léonie, va donc t’en faire toé du thé, s’impatienta la souffrante en
     lançant un regard mauvais à sa sœur.
    — Ça va, ça va, j’ai compris… dit Léonie en battant en retraite. Tu m’appelles
     si t’as besoin de moé ? ajouta-t-elle.
    — Aussi ben d’appeler Alphonse au chantier, ce serait aussi utile… maugréa
     Anna.
    — Pas d’ma faute si chus la dernière de la famille, moé… bougonna Léonie en
     sortant de la chambre.

    — Ouais ben, ça fait longtemps que j’avais pas bu du bon thé de même,
     mademoiselle Joséphine. Depuis que ma Rose-Élise… Ernest s’interrompit et baissa
     la tête.
    — Euh… On m’a appris pour la maladie de votre femme. Pis justement j’avais
     pensé vous offrir mes services.
    — Quoi ? dit Ernest, interloqué. Mais, mais j’ai pas les moyens
     d’avoir une femme à mon service, moé. Vous avez vu ma ferme, loin de ressembler
     à celle de m’sieur Normand !
    — Je l’sais ben. J’garderais mon emploi chez le Français. Chus logée, nourrie.
     Mais j’viendrais en fin d’après-midi préparer le souper pis, mon jour de congé,
     j’viendrais faire la grosse besogne.
    — Même ça, j’pense pas que j’peux me le permettre. La maladie de mon épouse me
     coûte pas mal cher pis…
    — Mais pas question de m’payer ! assura Joséphine. Vous comprenez… j’me suis
     attachée à François, monsieur Rousseau.
    — Appelez-moé Ernest.
    — Écoutez, c’est important pour moé… Vous avez besoin de moé, pis moé, j’ai
     besoin de François.
    — François-Xavier, rectifia sèchement Ernest.
    Il y avait quelque chose qui le tourmentait dans cette histoire. Il avait
     l’impression de trahir Rose-Élise. Pourtant, l’attachement de cette femme pour
     son fils adoptif pouvait se comprendre. Elle avait dû prendre soin de lui dès
     son plus jeune âge. Les créatures agissaient parfois si bizarrement mais… tout
     ceci était si subit… Encore une fois ce fut François-Xavier qui décida de la
     suite des événements.
    — J’veux pus jamais que Fifine parte, pus jamais !
    Et l’expression déterminée de ce petit visage en disait long sur les
     conséquences d’un éventuel refus.
    — Bon, ben, mademoiselle Joséphine, j’accepte votre aide, décida Ernest en
     chassant ses craintes.
    C’est à ce moment que Ti-Georges entra en trombe dans la cuisine, demandant
     d’urgence de l’aide pour sa mère.

    — Enfin les voilà ! s’écria Léonie en voyant l’attelage
     d’Ernest arriver. Elle quitta son poste d’observation et s’élança au devant des
     arrivants. Ernest n’eut même pas le temps d’immobiliser son cheval que déjà
     Léonie s’accrochait à la carriole en lui disant, paniquée :
    — Ah monsieur Rousseau, je suis si contente de vous voir ! Anna est en travail
     pis j’sais pas quoi faire, j’vous surveillais de la cuisine, j’ai envoyé
     Ti-Georges vous chercher pour… pour…
    Ernest sauta prestement en bas de la carriole et tout naturellement, prit les
     mains de Léonie dans les siennes et les retint longuement en disant :
    — Calmez-vous, mademoiselle Coulombe.
    Les beaux yeux verts de Léonie transmirent tout leur désarroi lorsqu’elle
     répondit d’un ton découragé :
    — Tout le monde m’dit

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