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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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chambre.
    — Ti-Georges, enlève-toé de dans nos jambes, dit sèchement Léonie à son neveu
     qui les suivait, inquiet. Va plutôt chercher monsieur Rousseau, tu sais comment
     y aller ? Dépêche-toé, monsieur Rousseau saura quoi faire, lui.
    Anna intervint calmement :
    — Ti-Georges, fais ce que matante Léonie dit. Mais, sois prudent, passe pas par
     le champ du taureau.
    Ti-Georges détala sans prendre la peine d’enfiler le moindre manteau.
    Anna soupira. Elle se serait bien passée de la nervosité de sa sœur, se
     dit-elle tout en se déshabillant maladroitement.
    — Léonie, calme-toé, j’t’en supplie. Passe-moé ma jaquette pis aide-moé à
     m’étendre, vite, on n’a pas grand temps…
    — Mon doux Seigneur, Anna j’sais pas quoi faire, dit la jeune femme
     paniquée.
    Anna éleva la voix.
    — Calme-toé Léonie, tu m’entends, calme-toé tusuite ou sors d’icitte ! se
     fâcha-t-elle.

    — Mon beau François, calme-toé, c’est moé Fifine, oui… Laisse-moé te regarder…
     Comme t’as grandi !
    Ernest, mal à l’aise devant tant de démonstration, se racla la gorge.
     Joséphine, gênée, se releva.
    — Oh, monsieur Rousseau, pardonnez-moé, mais j’me suis tellement ennuyée de mon
     p’tit François… On m’a toujours reproché à l’orphelinat d’être mère poule ! Vous
     vous souvenez de moé ? On s’estvus là-bas quand vous pis votre
     femme vous êtes venus chercher François.
    — Oui, j’vous replace, confirma Ernest de plus en plus étonné par cette
     histoire.
    Joséphine sortit un mouchoir de sa poche et, après s’être mouchée, commença à
     le triturer nerveusement entre ses mains. Elle avait tout planifié pour trouver
     le moyen d’aller rejoindre son fils. Des mois pour mettre à exécution son
     projet. Il lui fallait convaincre le curé de lui trouver un emploi à la
     Pointe-Taillon puis quitter Chicoutimi. Elle avait imaginé le déroulement de ses
     retrouvailles, répété ce qu’elle dirait au couple Rousseau. La vie s’acharnait
     peut-être à la séparer de son fils, mais celle-ci avait sous-estimé son propre
     acharnement.
    — Ben oui, expliqua la jeune femme, imaginez-vous donc que la ferme du
     Français, vous savez, la grosse ferme de monsieur Normand là…
    — Oui, j’connais, coupa Ernest.
    — Il vient des vieux pays y paraît, continua Joséphine.
    — Oui, j’sais.
    — Un monsieur ben riche pis une ferme ben grande… enchaîna la visiteuse.
    — Ouais, j’l’ai déjà vue, dit Ernest.
    — C’est son intendant qui m’a engagée. Oui ben, imaginez-vous donc qu’y
     cherchait une femme pour tenir maison pis ben… imaginez-vous donc… que… eh
     ben…
    — Comme ça vous travaillez chez monsieur Normand, résuma Ernest. Vous êtes
     venue à pied ?
    — Y fait si beau à matin ! dit Joséphine. C’est mon jour de congé, ça fait que
     j’me suis permis de venir vous voir. J’espère que ça vous fâche pas trop que
     j’arrive comme un cheveu sur la soupe ? s’inquiéta-t-elle.
    — Ouais, ben c’est toute une surprise ! répondit Ernest plus
     sèchement qu’il n’aurait voulu.
    — Une baptême de belle surprise ! s’exclama François-Xavier qui s’était tu
     pendant l’échange du couple, surpris de l’inhabituelle froideur de son père et
     de l’évidente nervosité de la nouvelle arrivée.
    Ernest éclata de rire et se dit que son fils avait bien raison de le remettre à
     sa place. Un instant il avait été jaloux de cette femme et avait été porté à la
     renvoyer chez son employeur et à l’éloigner de François-Xavier. De toute
     évidence, son petit garçon était heureux de ces retrouvailles, alors comment
     avoir le cœur de lui refuser ce bonheur ?
    — Ben fiston, où sont nos manières ? se reprit Ernest d’un ton cette fois
     indubitablement plus aimable. Pis si on prenait soin de notre surprise pis qu’on
     lui offrait une tasse de thé ? Mademoiselle… Fifine ? dit Ernest en haussant un
     sourcil perplexe.
    La jeune femme se détendit et rassurée, sourit à l’homme.
    — Joséphine, pis c’est avec plaisir que j’accepte votre invitation mais à
     condition que ça soit moé qui prépare le thé !

    — Tu voudrais-tu que j’te fasse chauffer du thé ? offrit Léonie, impuissante au
     pied du lit à regarder sa sœur souffrir.
    — Léonie, tu m’énerves ! Pourquoi pas du gâteau tant qu’à y être !
    Anna grimaça autant

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