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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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sévérité d’être à la source du vilain défaut qu’avait
     Julianna d’être une boudeuse invétérée. Levant les yeux au ciel, la tante
     soupira et s’approcha doucement de la jeune fille. Tendrement, elle sourit en
     regardant la mine renfrognée de Julianna. Elle ressemblait tellement à Anna, à
     la différence qu’elle avait hérité non pas des yeux bleus de sa mère mais de
     ceux, très verts, d’elle-même. Léonie caressa la tête blonde :
    — Julianna, j’comprends que tu trouves difficile ce voyage à la
     Pointe-Taillon.
    « Si tu penses que c’est facile pour moé… » pensa Léonie en essayant de trouver
     les bons mots d’encouragement.
    — Mais écoute ma grande, j’te l’ai expliqué vingt fois…
    « Pis au moins mille fois dans ma tête et chus toujours pas convaincue de faire
     la bonne chose… »
    — … mais, reprit-elle à haute voix, c’est notre devoir de se rendre auprès
     d’Alphonse.
    Même là, il lui était encore malaisé de prononcer ce nom.
    — Je sais, je sais, au chevet de mon père… ironisa la jeune fille. C’est notre
     devoir ! déclara-t-elle en gesticulant exagérément. Mais, vite,
     qu’attendons-nous ? Accourons, volons vers le lac Saint-Jean, vite ! Vite, le
     Titanic coule !
    Et Julianna commença à courir en tous sens dans la pièce en imitant une jeune
     femme paniquée.
    — Arrête d’être impolie comme ça, c’est pas de même que j’t’ai élevée y me
     semble !
    Malgré elle, Léonie se surprit à sourire, tout en regardant sa nièce jouer la
     grande scène du naufrage. Sa fille adoptive était si expressive. Un vrai
     boute-en-train ! Et puis, avait-elle su éduquer cette enfant ? Elle l’avait
     gâtée, oui, gâtée, pourrie.
    Il est vrai que l’enfance de Julianna avait été à l’abri des soucis. La
     première année de sa vie s’était déroulée, tranquille, à Roberval. Léonie ne la
     quittait pas d’une semelle et s’émerveillait de la rapidité des progrès du bébé.
     Léonie avait pris le temps de bien planifier son avenir. Son subterfuge auprès
     de John avait eu encore plus de succès qu’elle n’aurait cru. Trois mois avaient
     passé depuis l’envoi de sa lettre et elle croyait ne jamais recevoir de réponse
     et commençait à désespérer de sa situation quand enfin une missive d’un cabinet
     d’avocat lui était parvenue. Tremblante, Léonie avait été tellement surprise de
     découvrir non seulement les titres de propriété de la maison de Roberval, mais
     également d’un immeuble sis à Montréal. Elle avait dû relire deux fois la note
     explicative jointe aux documents officiels.L’homme de loi,
     engagé pour représenter John, y expliquait que son ancien amant était retourné
     définitivement aux États-Unis et que celui-ci lui avait laissé ses deux
     propriétés ainsi qu’une somme très considérable déposée dans un compte au nom de
     Léonie dans une banque de Montréal. En contrepartie, Léonie devait signer le
     présent document qui stipulait que cette signature dégageait monsieur John W.
     Morgan de toutes responsabilités. Léonie se souvenait encore du vertige qui
     l’avait terrassée au fur et à mesure que la portée des informations pénétrait
     dans son esprit. Elle avait signé la lettre, pris contact avec l’avoué et fait
     le voyage, sans Julianna, jusqu’à Montréal pour régler toutes les formalités. À
     son retour, Léonie était allée reprendre le bébé chez la voisine qui avait
     gentiment accepté de le garder, s’était assise à son secrétaire et avait fait
     des projets. De magnifiques projets dans lesquels Léonie s’installait
     définitivement à Montréal, ville qu’elle venait de découvrir et qui l’avait
     ravie. Sa propriété montréalaise comportait trois étages. Au rez-de-chaussée se
     trouvait une boutique que John avait utilisée pour recevoir les clients de son
     entreprise maritime. L’étage suivant comportait les bureaux de l’administration,
     à l’intérieur desquels un directeur, un comptable et une secrétaire avaient
     travaillé. Le dernier étage avait abrité les appartements personnels de John. Il
     avait tout laissé meublé, tel quel. Malgré la discrétion de l’avocat, Léonie
     avait pu réussir à comprendre que l’épouse de John avait sommé sa chère moitié
     de rentrer définitivement au bercail s’il ne voulait pas se voir dépossédé de
     tout. Car la fortune de

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