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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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de la rudesse de ce coin de pays et que jamais elle ne s’était
     acclimatée. Même si elle avait vécu moins d’un an sur la ferme, elle avait juré
     que cela équivalait à une éternité. Joséphine avait assuré l’homme à quel point
     c’était le paradis ici pour elle. Ce sentiment de liberté quelui procurait la vie dans ces grands espaces était enivrant. Lorsqu’elle se
     tenait sur la grève, les pieds nus dans le sable chaud, face au lac, et que ses
     pensées s’égaraient vers un bel Irlandais, la brise du lac avait tôt fait de
     chasser les larmes et c’est le cœur léger qu’elle retournait en riant vers son
     fils, son François, qui grandissait, grandissait…

    — Envoye, brêteux, on y va-tu à pêche, oui ou non ? cria Ti-Georges en arrivant
     devant la maison de son ami.
    François-Xavier se dépêcha de terminer sa bouchée de pain et jeta un coup d’œil
     par la fenêtre. Une canne à pêche sur l’épaule, Ti-Georges l’attendait
     impatiemment, se dandinant d’un pied à l’autre.
    — Joséphine, dis à papa qu’on prend la chaloupe, dit le garçon en se dirigeant
     vers la porte.
    En ce beau dimanche matin, Joséphine se berçait doucement tout en brodant une
     taie d’oreiller tandis qu’Ernest était parti à Péribonka assister à la
     grand-messe.
    — Sois prudent, mon grand, recommanda-t-elle en levant les yeux de son ouvrage.
     J’aime jamais ça te savoir sur le lac.
    — Tu sais ben Fifine que j’ai le pied marin ! Pis j’ai douze ans astheure, il
     me semble que tu pourrais arrêter de me couver un peu, non ? ajouta-t-il
     tendrement en revenant sur ses pas flanquer un baiser sonore sur la joue de la
     grosse femme.
    Joséphine sourit et admira l’adolescent sortir en trombe de la cuisine.
    Dans la chaloupe, après avoir ramé un bon coup et s’être mis un peu au large, à
     l’abri des mouches, les deux amis appâtèrent leurs hameçons de frétillants menés
     attrapés juste avant dans le ruisseau. D’un geste synchronisé par l’habitude,
     ils lancèrent leurs lignes à l’eau.Ti-Georges coinça le manche
     de sa canne entre ses genoux et s’étendit à moitié couché sur le banc avant de
     la chaloupe. En arrière, François-Xavier préféra déposer le long bâton de saule
     dans le trou percé à cet effet sur le côté de l’embarcation. Prenant les lourdes
     rames à deux mains, il se mit à faire avancer paresseusement le petit bateau,
     parallèlement à la rive, suivant une ligne imaginaire que les deux pêcheurs
     appelaient la faille et d’où ils avaient rapporté leurs plus beaux trophées de
     pêche. François-Xavier sourit au souvenir de l’immense ouananiche qu’il avait
     sortie de l’eau l’été auparavant. Le coup sec lorsque le saumon d’eau douce
     avait mordu à l’hameçon l’avait surpris, somnolent qu’il était à ce moment.
     D’énervement, il s’était levé et avait failli faire chavirer le bateau, au grand
     dam de Ti-Georges qui ne savait pas nager. Son ami le tira de sa rêverie.
    — Ah la belle vie ! s’exclama-t-il en croisant les mains derrière la tête,
     souriant béatement.
    — C’est étonnant que ton père t’ait pas trouvé de corvée à faire, railla
     François-Xavier.
    — Hé, hé, c’est jour du Seigneur pour tout le monde ! répliqua le garçon.
    — N’empêche que j’trouve que ton paternel exagère pas mal dans l’ouvrage qu’y
     t’donne, fit remarquer le rameur.
    — Mon vieux a pas le choix ! Y reste rien que moé pis Aline pour aider…
    Ti-Georges ferma les yeux et ajouta douloureusement :
    — Depuis sept ans que maman est morte pis la maison a pas arrêté de se
     vider…
    Lentement, au rythme du tangage, Ti-Georges se confia.
    François-Xavier ne s’étonna pas. Ces moments de confidences étaient coutumiers.
     Ti-Georges était noir ou blanc, soit très exubérant, soit mélancolique. Et puis
     François-Xavier savait écouter. Jamaiscela ne lui pesait. Au
     contraire, il ressentait la confiance que ces aveux témoignaient.
    — Ferdinand s’est marié pis j’le vois pus jamais, continua Ti-Georges en
     ouvrant les yeux et en fixant le ciel bleu. Ronald, ben c’t’un curé astheure, ça
     fait qu’aussi ben dire qu’y est pus de la famille… Léopold donne des nouvelles
     de temps en temps, mais y se montre jamais la fraise… J’te dis que chus grayé de
     frères ! fit-il sarcastique en se redressant pour vérifier sa

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