Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
avant, mais dis-toé ben que lui, y devait vivre
     avec cette décision et pas grand monde voudrait avoir ce poids sur les épaules.
     Ton père est rendu vieux, Julianna, y a tellement souffert de la mort de ta
     mère… J’ai toujours gardé, en secret, un certain contact avec tes frères et
     sœurs, oui, ta sœur Marie-Ange m’écrit régulièrement… Non, dis rien… j’ai cru
     ben faire… Y s’informaient de toé, à qui tu ressemblais…
    — Est-ce qu’ils vont être tous à la ferme ? demanda timidement Julianna,
     ébranlée par ces confidences.
    — Mon doux Seigneur, non ! répondit Léonie en riant et en recommençant à faire
     les bagages. Y sont tous partis faire leur vie un peu partout. Tous tes frères
     et sœurs sont maintenant mariés, sauf Ronald. Lui, y a choisi la prêtrise, et si
     mes renseignements sont exacts, y prêche dans le boutte de Trois-Rivières.
    — Vous m’avez jamais vraiment parlé d’eux, reprocha Julianna.
    — J’croyais que t’y pensais pas.
    — Qui sera là-bas, d’abord, juste mon père ?
    Depuis qu’elle était toute petite, elle s’était toujours sentie à part. Oh, sa
     tante ne lui avait pas caché les circonstances de sa naissance et lui avait
     parlé brièvement des membres de sa famille. Mais combien de fois, dans ses jeux
     de fillette, s’était-elle mise à rêver d’une maison pleine à craquer d’enfants,
     comme chez leur voisin Bérubé, qui riraient et joueraient à se cacher sous les
     escaliers ou au grenier avec elle. Elle aimait énormément sa marraine, mais
     l’existence de son autre famille sur le bord d’un lointain lac la rendait
     nostalgique.
    — La terre appartient à Ti-Georges maintenant, expliqua Léonie. C’est
     certainement lui qui va nous accueillir au bateau après-demain.Ça me fait tout drôle de penser à lui en tant qu’homme marié. La dernière fois
     que j’l’ai vu, y avait cinq ans pis astheure, y a un fils de c’t’âge là…
    Léonie sembla retourner dans le passé, mais chassa vite ces pensées.
    — En tout cas, j’crois pas que tu puisses te plaindre de la vie que t’as menée
     avec moé, reprit-elle. Voyons ça comme des vacances ! J’en mérite ben… Tout est
     organisé au magasin, monsieur Morin prend la relève, y est temps que je me
     repose un peu. Allez, finis tes bagages.
    — D’accord, marraine, acquiesça Julianna, mais on pourrait pas rester là-bas
     juste une semaine ou deux ?
    — Est-ce que par hasard tu me cacherais pas quelque chose ou plutôt quelqu’un ?
     Y aurait pas un jeune avocat là-dessous qui te donne envie de rester à
     Montréal ?
    Léonie regarda sa nièce. Le jeune homme tournait autour d’elle depuis des
     semaines. Il s’était présenté et semblait très convenable, certainement un fils
     de bonne famille, mais… il lui rappelait trop son John… un beau grand sourire
     charmeur, des cadeaux dans les bras, mais dans les yeux, une faim de loup que
     Léonie savait reconnaître maintenant. Elle ne voulait pas que sa filleule soit
     une brebis à croquer. « Comme la vie est bizarre, on dirait que l’histoire se
     répète. Quand on crache en l’air, ça vous retombe toujours sur le nez, même
     vingt ans plus tard » se dit Léonie.
    — Oh marraine ! s’offusqua Julianna. Henry y a rien à voir là-dedans pis je…
     je…
    — Tu l’appelles par son p’tit nom, maintenant ?
    — Vous l’aimez pas, je le sais ! s’enflamma Julianna. Quand il est venu veiller
     la semaine dernière, vous nous avez pas lâchés d’un pouce.
    — C’est mon devoir de vous chaperonner. Tu t’attendais tout demême pas à c’que j’vous laisse tuseuls ensemble ! s’indigna Léonie.
    — On est plus en 1800, marraine ! Les automobiles existent, les aéroplanes, le
     cinéma !
    — Je l’sais en quel siècle on vit, mademoiselle l’impertinente ! Pis, chus
     p’t-être pas ta vraie mère, mais tu me dois respect et obéissance ! s’emporta
     Léonie.
    Julianna se tut d’un coup sec. Jamais sa tante ne l’avait traitée ainsi. Si
     elle pouvait apprendre à tourner sa langue sept fois aussi comme on lui répétait
     de le faire ! Mais qu’est-ce que Léonie avait ? On aurait dit que le voyage
     l’énervait encore plus qu’elle !
    — Oh, pardonnez-moé, matante, s’écria Julianna en voyant des larmes brouiller
     le regard de Léonie. Vous savez comment je m’emporte vite, pis pour des
     riens.
    Désolée,

Weitere Kostenlose Bücher